Du religieux et des paradoxes du Black Metal

par Sam 2 Oct 2004 - 5:29

Je cite ici un des passages conclusifs de mon DEA sur lequel j'aimerais avoir votre avis...

Nous avons montré que les musiciens de black metal plus que d’aspirer à une transcendance via leur black metal évoquaient une certaine religiosité de par les pratiques mystiques, cultuelles et surtout l’idéalisation qu’ils accolent à leur art. Cela n’est pas sans paradoxe.

Les blackists tout du moins d’horizon old school prônent la déconstruction mais pour autant construisent une entité musicale, un album louant l’inhumanité en adoration devant le Maître du Non. Peut être est-ce cela leur paradoxe le plus profond. Déconstruire, glorifier le nihilisme, détruire toute vie bien qu’en tant qu’artiste ils en crée une, celle d’un album qui se construit petit à petit sous diverses et successives inspirations guitaristiques et instrumentales. Petit à petit c’est une entité musicale qui vit et qui vivra toujours dans les disques des fans qui l’idolâtreront.

Un autre paradoxe qu’il nous est permis de dégager à la lumière de cette étude est le suivant. Le mouvement se prétend antichrétien et antireligieux et ne cesse de vitupérer souvent de manière théâtralisée et par goût subversif mais de plus en plus par réelle conviction, l’éradication de toutes les religions et en premier lieu du christianisme. Or, ces dénigrements prennent tous les contours du religieux qu’ils prétendent combattre. L’ordonnancement des concerts et leur aspect « sacrificiel », l’ornementation religieuse, la recherche de transcendance sont quelques unes des facettes qui tendent à prouver toute la religiosité d’un mouvement prétendant honnir la religion.

Le black metal comme les musique dites « sombres » en général prouvent selon divers degrés toute la recherche de transcendance qui peut animer une certaine catégorie de la jeunesse d’aujourd’hui. A l’heure où les recompositions du religieux se multiplient et prennent diverses formes comme celle d’un bricolage religieux teinté de mysticisme oriental, les musiciens et fans des musiques sombres illustrent toute la force du croire qui anime une certaine frange de la jeunesse actuelle. C’est un croire axé sur le Believing without Belonging qui resurgit encore une fois ici (Davie, 1990). Alors que le christianisme et les monothéismes occidentaux semblent moribonds, les musiques sombres deviennent plus que jamais une voie prisée pour cultiver l’idéal, la transcendance, le religieux qui semblent présents dans le cœur de chacun de ces jeunes « musiquants » (Seca, 2001). A partir de visions désenchantées parfois désabusées et même nihilistes s’opère un « réenchantement du monde » (Maffesoli, 1993, p. 124). La question qui reste à parachever et qui concerne toutes les musiques sombres y compris le black metal est la suivante. Est-ce la musique qui révèle et travaille le religieux pour eux ou est-ce que celui-ci est intrinsèquement présent en eux ? Dans quelle mesure sont-ils prédisposés à croire ? Comment s’est formé leur religieux ?

par Sam 2 Oct 2004 - 5:55

J'ajoute que des groupes comme Ondskapt, DeathSpell Omega, Funeral Mist ou Antaeus prouvent de plus en plus à la fois musicalement et conceptuellement à quel point le black (tout du moins oldschool) se veut religieux. Cf. tous les samples d'Eglise et les ambiances votives que véhiculent ses groupes (intro d'Ondskapt par exemple!).

C'est un religieux inversé. :wink: CF. la phrase d'Amduscias : Le black metal est une musique sacrée inversée.

Au final en regard des paradoxes que j'ai montré, le black metal est à mon sens très très mal placé pour combattre le religieux voire même la religion tout court. Seule la forme institutionalisée de la religion peut être condamnée par lui (ce que tu admettais baal d'ailleurs).

Mais évidemment tout cela est sujet à débat...

par Sam 2 Oct 2004 - 10:03

Je suis assez d'accord avec tes conclusions. Il est bien évident que le black a toujours emporté avec lui une part non négligeable de mysticisme voire de religiosité et que tout y est très théâtral à la limite du liturgique.

Le black est mal placé pour combattre le religieux voire la religion dis-tu. Je pense qu'il y a une nuance à apporter ici. A mon sens, il convient de distinguer la religion (institutionnalisée et organisée) du religieux ou plutôt du spirituel qui est nécessairement de l'ordre de la sphère intime.

Le religion étouffe le spirituel en l'enfermant dans le carcan de l'orthodoxie et de l'orthopraxie.

Le black qui véhicule en lui une forte spiritualité est tout à fait apte à rejeter la religion en tant qu'institution dirigiste et annihilante.

Par contre, et je te rejoins sur ce point, nier l'importance du spirituel ou prétendre le combattre dès lors qu'on est blackist relève du non-sens ou pire de l'incompréhension la plus totale.

Aura-t-on par ailleurs la chance de pouvoir lire l'intégralité de ton travail sur la question ?

par **Baalberith** Sam 2 Oct 2004 - 12:15

Comme je l'avais dit dans un récent post dans une autre section et pour compléter les prpos très pertinents de Dark Knight, je dirais que s'ile st vrai que certains blackists poussent l'adoration et la passion jusqu'à une certaine forme de religiosité, ce n'est nullement le cas de la majorité de sblackists je pense. Du moins ceux qui en viennent à ces excès sont à bannir, autant que les religieux "classiques", car toute forme de religion voire de religiosité, à mon sens, entretien une sorte de soumission à l'Extérieur et constitue une entrave à l'individualisme en tant que liberté de pensée et d'actions de la personne. La religion dans son sens vaste est une abbération et une source de limitation de la personne, comme la bien montré Nietzsche. Par-là même elle doit être condamnée et combattue, même au sein du BM. J'ai toujours milité pour une vision artistique du BM, une vision certes plus poussée peut-être que certains autres arts dans le sens où elle nécessite un investissmeent émotionnelle et une passion parfois démesurée, mais ça ne doit JAMAIS voiler la face du monde et de l'environnement du blackist. Les fans de BM qui en viennent à tout considérer à travers le spectre du Bm, à ne plus voir que ça, sont des crétins écervellés, des faibles, qui perdent la notion de conscience et de réflexion, même si j'admets que le bm est si fort qu'il fait plonger tout fan qui se respecte, au moins pendant un an ou deux dans une sorte d'adoration aveugle, une fois au moins dans sa vie. Mais il doit rapidement la dépasser, sans pour autant aliéner ce qu'il est et le black...

par Sam 2 Oct 2004 - 20:35

Baal et vous tous : lisez  Durkheim, E., 1991, Les formes élémentaires de la vie religieuse, Paris, Le Livre de Poche.

Vous ne verrez plus la question religieuse de la même façon. Moi aussi avant je pensais comme toi baal mais en lisant cet ouvrage fondateur de l'anthropologie religieuse j'ai changé d'avis. (Le livre se lit très bien, le style, le contenu...tout est absolument génial). C'est un ouvrage fondamental dans la réflexion que l'on apporte sur la religion aujourd'hui et qui fait toujours référence.

par Dim 3 Oct 2004 - 15:45

>
Ehjeh : c'est possible d'avoir une idée (même si je suppose que c'est difficile à résumer) de la /des thèse(s) défendues dans cet ouvrage ?

par **Baalberith** Dim 3 Oct 2004 - 22:08

Je suivrais donc ton conseil Ehjeh!

par Lun 4 Oct 2004 - 15:50

Oui un petit résumé si c'est possible serait le bienvenu étant donnée la tonne de livres que je dois encore lire et qui s'entassent toujours plus haut.

Ce que c'est que d'être un acheteur compulsif...

par Contenu sponsorisé

Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Re: Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Re: Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Re: Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Re: Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Re: Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Re: Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Re: Du religieux et des paradoxes du Black Metal

Re: Du religieux et des paradoxes du Black Metal