L'ère Edo au Japon
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L'ère Edo au Japon
Cette période s'étend sur plus de deux siècles, de 1600 à 1868.
Avant 1600, le Japon, pourtant une première fois unifié en 1192 par Yoritomo Minamoto, est un pays en proie à de graves troubles politiques. Il n'y a plus vraiment d'autorité centrale, le pays est constitué de clans guerroyant pour prendre le pouvoir d'une région. S'ajoute à cela l'arrivée des européens (portugais notamment) au milieu du XVIème siècle, qui sont bien accueillis de par leur maîtrise de la fabrication des armes, mais ne se restreignent pas à commercer: un processus d'évangélisation est amorcé en échange du commerce, avec comme résultat plusieurs centaines de milliers de fidèles, surtout dans la région de Nagasaki. Le Japon bouddhiste accepte dans un premier temps la concurrence du christianisme, voyant avant tout les bienfaits du commerce.
En 1568, Nobunaga Oda renverse la cours impériale de Kyoto et entreprend d'unifier le pays. Il y parvient en partie, avant d'échouer du fait de la trahison d'un de ses généraux, et de se suicider. Son oeuvre est poursuivie par Hideyoshi Toyotomi, qui finit par y parvenir en 1590. En chemin, il a du combattre Ieyasu Tokugawa, combat sans réel vainqueur militaire, mais que Toyotomi emporte politiquement et Tokugawa finit par s'allier avec lui.
De mémoire (des souvenirs de mon séjour à Osaka), Tokugawa ne peut avoir d'enfants, et en adopte plusieurs. Il finira par en avoir un avec une autre femme, et tuera tous ses fils adoptifs et ses femmes précédentes pour être bien certain que son fils légitime prendra sa place à sa mort.
Il se lance alors dans une invasion de la Chine et de la Corée. Sa première tentative est un échec, et sa mort en 1598 solde la deuxième tentative. Avant de mourir il précise bien que son fils doit lui succéder. Son ancien allié et ancien ennemi Ieyasu ne l'entend pas de cette oreille, et vainc les soutiens du fils Toyotomi en 1600 (bataille de Sekigahara). C'est le début de l'ère Edo, ou "ère Tokugawa". Le réel pouvoir est détenu à Edo (Tokyo, dont Tokugawa était le daimyo) par le shogun Tokugawa, l'empereur à Kyoto étant dépossédé de tout pouvoir réel.
Cette ère se manifeste avant tout par un repli du Japon sur lui-même ("sakoku"). Les premiers édits anti-chrétiens sont par exemple promulgués avant 1600, avec en 1597 la crucifixion de 26 prêtres étrangers et japonais. S'ensuit toute une période de persécutions, qui culminent en 1637 avec la mise à mort sanglante d'une rébellion chrétienne à Shimabara. Le christianisme n'a plus d'existence officielle au Japon.
D'autres signes de fermeture sont notables. Les japonais ne peuvent plus quitter le Japon (ou alors ne peuvent plus revenir). Les européens deviennent personna non grata. Plus précisément, seuls les chinois, les coréens et les hollandais peuvent rentrer au Japon, et encore en étant très encadrés sur les lieux où ils peuvent aller et sur ce qu'ils peuvent faire. Ainsi les hollandais sont cantonnés dans l'île de Dejima, près de Nagaski, où ils ne peuvent entrer en contact qu'avec les commerçants et les prostituées. Un européen dans une zone non autorisée est passible la peine de mort.
Par delà ce repli, le clan Tokugawa entend aussi réduire l'influence des chefs locaux (cf la situation précédente, et le fait qu'il a encore beaucoup d'ennemis, notamment à l'ouest du pays). Les chefs locaux, ou daimyo, sont obligés d'avoir deux palais: un dans leur région, et un à Tokyo. Il les oblige à venir à Tokyo une année sur deux, leur faisant dépenser énormément d'argent dans l'entretien des palais et les déplacements pour éviter qu'ils aient les moyens de se soulever contre lui. Dans le même registre, les femmes et enfants sont obligés de rester à Tokyo, comme otages du shogun.
Le Japon est par ailleurs à cette époque un pays très rigide, avec des rangs déterminés par la profession et en partie par la naissance. Par ordre décroissant d'importance: le shogun et son entourage (bushi) ->
les daimyos (avec des sous-classes selon la confiance qu'avait en eux le shogun eut égard à leur camp lors de la guerre de 1600) ->
les samourais (bushi sans ou avec peu de terres) ->
les paysans ->
les artisans ->
les marchands ->
les parias (bouchers ou tanneurs, mal vus par la religion bouddhiste de par leur proximité avec la mort, cette classe étant héréditaire...) ->
non-humains (criminels ou mendiants, qui pouvaient espérer eux changer de classe).
Ce qui est très notable, c'est le positionnement plutôt haut, au moins théoriquement, des paysans. C'est dû au fait qu'ils créent quelque chose de leurs mains. Les artisans sont en dessous parce qu'ils transforment. Les commerçants, qui ne créent et ne transforment rien, sous encore en dessous. L'argent est à cette époque considéré comme quelque chose de sale.
La période Edo est reconnue comme une période de paix, de sécurité, avec un épanouissement important sur un plan artistique (haiku, kabuki...).
Au XIXème siècle, la situation est plus difficile. Le Japon est touché par des famines. Par ailleurs les pays occidentaux veulent forcer le pays à s'ouvrir, pour commercer avec lui. C'est ainsi que les américains envoient des bateaux de guerre en 1853, menés par le Commodore Matthew Perry, qui demande l'ouverture du pays au commerce international. Les américains et d'autres pays occidentaux obtiennent l'ouverture de ports et l'assouplissement des restrictions sur le commerce.
La manière dont le clan Tokugawa est mis devant le fait accompli ne plaît pas en interne du Japon. C'est ainsi que l'ouest se soulève, et parvient à restaurer le pouvoir impérial en 1868. Le shogun est contraint à démissionner. C'est la fin de l'ère Edo, et le début de l'ère Meiji (qui portera les germes de l'ultra-nationalisme japonais de la première partie du XXème siècle). Mais c'est une autre histoire, qui mériterait un autre topic. On peut quand même noter au passage que le nationalisme japonais n'est quand même pas sans lien avec l'attitude agressive des occidentaux.
Voilà pour le cadre, il y a très certainement des erreurs que certains corrigeront j'espère (je ne sais pas si un Sakrifiss s'est intéressé au sujet?). Mais le sujet m'intéresse beaucoup, je suis preneur de tous éléments sur le sujet, et je le compléterai à l'occasion.
Re: L'ère Edo au Japon
Necrowarrior- Légat de légion
Re: L'ère Edo au Japon
Baalberith- Princeps Romanorum
Re: L'ère Edo au Japon
Necrowarrior a écrit:intéressante cette classification amenant les paysans au dessus des artisans et commerçants. Ceci dit, apparemment, le "dégoût" vis à vis de l'argent se retrouve aussi au moyen-âge et même avant en Europe (chez les gaulois et les celtes en général, un bon roi se doit d'être généreux et dépensier ).
C'était à peu prés pareil chez les Grecs.
)
Seigneur Sven- Légat de légion
Re: L'ère Edo au Japon
)
Baalberith- Princeps Romanorum
Re: L'ère Edo au Japon
Voilà pour le cadre, il y a très certainement des erreurs que certains corrigeront j'espère (je ne sais pas si un Sakrifiss s'est intéressé au sujet?). Mais le sujet m'intéresse beaucoup, je suis preneur de tous éléments sur le sujet, et je le compléterai à l'occasion.:cool:
Au sujet de l'ère Edo, mais surtout pour l'ambiance qui règne au Japon pendant le XVIIème siècle (et aussi pour la culture personnelle), il faut absolument lire le roman d'Eiji Yoshikawa sur ce Dartagnan à la japonaise qu'est Miyamoto Musashi. Cet énorme pavé, divisé en deux en France (sous les titres de
Ce qui est dingue, au delà de l'ère Edo en général, c'est la façon dont le Japon est passé du "tout au tout" avec l'ère Meiji. Déjà qu'avant, on pouvait relever pas mal de copie de la part des nippons vis à vis des chinois (et aussi un peu des coréens) - notamment au niveau de l'écriture, mais aussi au niveau artistique et ludique (penser au jeu de go !) - avec ce tournant de 1868, c'est tout l'occident qui se retrouve accaparé par le tourbillon japonais. Jamais tradition (directement issue de l'ère Edo en fin de compte) n'aura autant été confrontée à la modernité.
Re: L'ère Edo au Japon
Aristor a écrit:Au sujet de l'ère Edo, mais surtout pour l'ambiance qui règne au Japon pendant le XVIIème siècle (et aussi pour la culture personnelle), il faut absolument lire le roman d'Eiji Yoshikawa sur ce Dartagnan à la japonaise qu'est Miyamoto Musashi. Cet énorme pavé, divisé en deux en France (sous les titres deLa pierre et le sabreet la Parfaite Lumière), est vraiment bien fichu pour la fidélité historique de ce siècle (en plus d'être génial en tant que roman).
Ce qui est dingue, au delà de l'ère Edo en général, c'est la façon dont le Japon est passé du "tout au tout" avec l'ère Meiji. Déjà qu'avant, on pouvait relever pas mal de copie de la part des nippons vis à vis des chinois (et aussi un peu des coréens) - notamment au niveau de l'écriture, mais aussi au niveau artistique et ludique (penser au jeu de go !) - avec ce tournant de 1868, c'est tout l'occident qui se retrouve accaparé par le tourbillon japonais. Jamais tradition (directement issue de l'ère Edo en fin de compte) n'aura autant été confrontée à la modernité.
L'influence de la Chine sur le Japon a en effet été forte à une époque (surtout VIIème et VIIIème siècles), avec en vrac l'écriture, l'organisation administrative, le découpage du temps en ères, l'urbanisme (surtout à Kyoto/Nara &
co), la notion même d'empereur, le thé... Plus le bouddhisme (mais là l'influence vient aussi de la Corée).
Sinon je suis d'accord avec toi, la transition Edo/Meiji est une période particulièrement intéressante à beaucoup de titres. La fin des samourais notamment est un thème intéressant.
Pour ton livre, merci de l'information. J'essaie de mettre la main dessus.
Et bienvenue au passage à toi.
)
Re: L'ère Edo au Japon
A ce titre, Musashi a écrit un traité (le
Bref, si le sujet t'intéresse encore après avoir lu la vie de Musashi (et à mon avis, ça risque d'être le cas
)
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