Etre roi...
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Etre roi...
Le roi est acclamé par le peuple juste après le sacre. Les rois mérovingiens et carolingiens étaient "élus" par une assemblée censée représenter le peuple. Plus concrètement, il est admis que le pouvoir soit entre les mains ou délégué à la "sanior pars", la partie la plus saine de la société composée de ses élites. Néanmoins, les rois de la monarchie absolue, réunissent de moins en moins les assemblées : états généraux ou provinciaux ;
ils ne laissent plus de place à la contestation des pouvoirs du roi, ostracisant même les parlementaires rétifs aux lits de justice.
Le roi fait le bien de son peuple. Ainsi Louis XIV, qui n'aimait pourtant pas se mêler à la foule paysanne au contraire de son aïeul Henri IV, raconte dans ses Mémoires comment il acheta du blé à l'étranger en 1662 pour sauver son peuple de la famine. A l'inverse, l'impitoyable répression des révoltes sous son règne (en Bretagne en 1675, dans les Cévennes après 1700) montre que le roi ne lésine pas avec son autorité et ne tolère pas de troubles en son royaume.
Le roi est "le lieutenant de Dieu sur la terre" : Louis XIV "était "Très-Chrétien", admettant d'ailleurs assez mal que le roi d'Espagne soit seul qualifié de "Roi catholique"". Il se prosterne devant le pape même s'il le méprise en secret. Pourtant Louis XIV fit bien comprendre au pape les limites de son pouvoir en décidant seul de la nomination des évêques (gallicanisme). Lorsque des gardes pontificaux soûls tuèrent des pages de l'ambassade de France, Louis exigea des excuses. Le pape dut céder devant l'invasion d'Avignon et du Comtat et le passage en Italie de 3 000 soldats : "nouvelle séance d'excuses (d'un légat au nom du pape), congédiement de sa garde corse, pyramide expiatoire à Rome, gardée militairement : décidément le Roi Soleil se proclamait supérieur au Souverain Pontife".
Le roi par les regalia fait les lois, décide de la paix et de la guerre, juge, fait la noblesse, lève les subsides. Il vit de son domaine qui ne peut être aliéné. Il frappe monnaie.
Le roi cavalier est un chasseur et un homme de guerre. Louis XIV pouvait accomplir par exemple 100 kilomètres dans une journée. Pourtant, le caractère noble de la guerre est altéré par le comportement sauvage des troupes en campagne qui pillent les villages en l'absence de casernes.
Le roi justicier est depuis Saint Louis celui qui condamne et qui gracie. Louis IX donne encore de lui l'image d'un roi serein, accomplissant la justice sous un chêne centenaire à Vincennes.
La continuité du pouvoir du roi se voit dans l'accueil réservé au dauphin et autres enfants de sang royal. La régence le plus souvent incarnée par la reine mère continue le plus souvent alors que le roi est majeur, c'est-à-dire au-delà de sa treizième année. Louis XIV est ainsi devenu roi à l'âge de quatre ans et huit mois ;
il apprend toutefois à paraître, apprend par coeur quelques phrases lues devant les parlementaires. La mort écarte son ministre Mazarin en mars 1661. Les Conseils royaux fusionnent dans ces moments en un seul appelé Conseil de Régence. L'attitude peu dévote des rois de France qui trompaient sans scrupule leurs épouses ne choquait que les plus bigots. Les bâtards vivaient à la cour. Les familles illégitimes réclamaient même d'entrer dans les conseils : ainsi les Vendôme, bâtards d'Henri IV. Madame Colbert se fit gouvernante des enfants adultérins de son maître.
Le roi est le plus grand des seigneurs. Consilium et auxilium sont donc exigés des vassaux qui doivent l'ost. Les traîtres sont en conséquence des félons (Condé en 1652 durant la Fronde ou le connétable de Bourbon en 1523). Louis XIV terminait souvent ces écrits en évoquant : "sa dignité, sa gloire, sa grandeur, sa réputation".
Le roi seul a le pouvoir d'anoblir par la vente d'offices mais il s'entoure de roturiers ou d'hommes de fraîche noblesse pour gouverner.
Louis XIV fut par exemple un roi bien portant, sportif et amateur de fêtes (théâtre, ballets, chevauchées...). Peu porté sur les études livresques mais bon musicien lui-même, guitariste formé par Mancini, il était porté vers les sommets par le besoin de reconnaissance et de gloire. Voltaire s'est moqué de cette prétention comme de sa devise intraduisible. Louis XIV s'approprie le signe solaire déjà utilisé plus discrètement auparavant. Il a certains traits de caractère espagnol comme "le goût du secret, de l'extrême réserve, de l'application besogneuse, de la magnificence, de l'étiquette...". Au soir de sa vie en revanche, le roi devient mélancolique, pieux, affaibli par la goutte et des ennuis digestifs et enfin édenté.
Le roi doit composer avec la noblesse, plus particulièrement avec la plus ancienne et la plus fortunée : la noblesse d'épée qui possède près du tiers des terres. Certaines de ces familles remontent aux croisades. La noblesse de robe prospère dans les Parlements, lieu d'opposition au roi absolu par le truchement des remontrances et dans les cours dites souveraines (cours des aides, chambres des comptes).
La cour se déplace ainsi de château en château en mettant en branle un cortège de carrosses du vieux Louvre insalubre à Vincennes, Fontainebleau, Saint-Germain puis Versailles pour Louis XIV.
Baalberith- Princeps Romanorum
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Date d'inscription : 30/03/2004
Re: Etre roi...
Il résume assez bien les fonctions du Roy de France, lieutenant du Christ.
J’émettrai simplement une réserve quand à l’apport de la Sainte Ampoule par deux Anges : la tradition enseigne qu’il s’agissait d’une colombe, qui de surcroît aurait percé un vitrail pour apparaître dans la nef de la Cathédrale. (la colombe étant le symbole de l’Esprit Saint dans la religion catholique)
Une autre fonction du Roy que je me permettrai d’ajouter au récit de Pierre Goubert, car elle me parait primordiale par son caractère surnaturel, est ce que certains historiens ont appelés « La guérison des Ecrouelles ».
Il s’agissait d’un miracle que pouvaient accomplir les rois de France pour guérir malades et infirmes.
Ce miracle n’était possible au Roy qu’autant qu’il était en état de grâce et venait de recevoir la Sainte Communion. Le Roi touchait les malades, puis les embrassait, en disant : « DIEU TE GUERRISSE, LE ROY TE TOUCHE ».
Ce miracle a été effectué tout au long de l’Histoire. Le dernier ce produisit, et fut enregistré avec le plus grand soin par le docteur Robert Van der Elst, au sacre de Charles X en 1825.
Que pense tu du caractère Sacré du Roy de France, et de la conséquence de Baptême de Clovis par Saint Rémi pour la France ?
"Il a en lui assez d'étoffe pour faire quatre rois et un honnête homme." Mazarin au sujet de Louis XIV
Re: Etre roi...
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Sinon la "guérison royale dont tu parles" se nomme la thaumaturgie. Il s'agit en effet d'une fonction royale primoridale car elle met en exergue le pouvoir divin que le roi est censé posséder par sa fonction (ex: Louis IX).
Pour la colombe, je le savais, mais j'avais aussi entendu parler des anges, donc le problème mérite approfondissement (ce n'est pas ma spécialité historique). Bon, Goubert est quand même agrégé d'Histoire, spécialiste d'Histoire moderne et professeur à la Sorbonne, donc je lui accorde le...bénéfice du doute momentannément!
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Que pense tu du caractère Sacré du Roy de France, et de la conséquence de Baptême de Clovis par Saint Rémi pour la France ?
Ouf, tu demandes le point de vue de l'historien ou de l'homme, car ma réponse serait différent selon (enfin pour la 1ère partie de ta question)...
Baalberith- Princeps Romanorum
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Date d'inscription : 30/03/2004
Re: Etre roi...
Mais pour ma part, je préfère me référé sur ce point là directement à Hincmar (
«Dés qu'on fut arrivé au baptistère, le clerc qui portait le chrême, séparé par la foule de l'officiant, ne put arriver à le rejoindre.
Le saint Chrême fit défaut.
Le pontife alors lève au ciel ses yeux en larmes et supplie le Seigneur de le secourir en cette nécessité pressante.
Soudain apparaît, voltigeant à portée de sa main, aux yeux ravis et étonnés de l'immense foule, une blanche colombe tenant en son bec, une ampoule d'huile sainte dont le parfum d’une inexprimable suavité embauma toute l’assistance.
Dés que le prélat eut reçu l’ampoule, la colombe disparut ! »
Sinon je solliciterai l' avis de l'Homme, je pense déja connaitre celui de l'Historien et de l'Education Nationale...
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Re: Etre roi...
Re: Etre roi...
Baalberith- Princeps Romanorum
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Date d'inscription : 30/03/2004
Re: Etre roi...
Mais pour ma part, je préfère me référé sur ce point là directement à Hincmar (Vita Sancti Remiglii) qui rapporte les propos qui lui avaient été contés par Saint Rémi lui meme :
Il y a peut-être plusieurs légendes possibles... Perso je connaissais les deux, donc j'avoue qu'il faudrait se pencher sur le problème ou demander directement à Goubert!
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Sinon je solliciterai l' avis de l'Homme, je pense déjà connaître celui de l'Historien et de l'Education Nationale...
Bien, alors la question est trop orientée historiquement pour que je puisse vraiment y faire abstraction, mais je dirais que le caractère sacré du roi de France est naturelle dans un contexte à la fois chrétien et romanisé: l'image du roi sacré découle logiquement du culte impérial romain (lui-même descendant de la logique du roi sacré hellénistique) et comme le christianisme a repris à son compte les structures romaines... Il permet tout simplement au roi, à la tête du pays, de s'appuyer sur l'outil de cohésion sociale qu'est l'Eglise, afin de pacifier l'intérieur du pays (logique comprise dès Constantin par l'empereur romain). Pour l'Eglise, il s'agit simplement de poursuive une association/domination avec l'Etat et de maintenir son emprise sur le monde chrétien européen. Bref, si le roi veut ancrer son pouvoir, notamment dynastique (ce qui n'était pas encore le cas sous Clovis), il avait tout intérêt à s'appuyer sur l'Eglise et être reconnu comme image du Christ sur Terre...
Après, Clovis s'est fait baptisé, reproduisant l'acte de Constantin en son temps, simplement pour une question de cohésion sociale à l'intérieur de son peuple. La religion est de toute façon une affaire socio-politique et ce, depuis IVe jusqu'à aujourd'hui, l'aspect réellement religieux, moral, n'est qu'un vernis hypocrite visant à pérenniser et conforter un pouvoir politique et social. Il s'agit de ma vision de l'Eglise et la religion, mais on sort un peu du sujet là...
Je m'aperçois que mon analyse est plus historique que vraiment personnelle, mais ce n'est pas vraiment dans mon éducation intellectuelle d'apporter un jugement subjectif à un fait historique (il s'agit d'un vrai tabou pour l'historien)!
J'ai fait au plus vite, car je pourrais en parler pendant des heures de ce sujet, qui m'intéresse au plus haut point!
Baalberith- Princeps Romanorum
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Date d'inscription : 30/03/2004
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