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Tristesse et trépidation chez les rockers ...

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Tristesse et trépidation chez les rockers ... Empty Tristesse et trépidation chez les rockers ...

Message par  Ven 1 Déc 2006 - 0:31

...et leurs successeurs.



Ci dessous quelques extraits d'une étude faite par Jean-Marie SECA, sociologue spécialisé dans les musiques alternatives. Vous comprendrez rapidement pourquoi j'ai fait le choix de vous soumettre ce texte tant certains constats sont en rapport direct avec la musique qui nous "unis".

Ce ne sont que des "morceaux choisis", je n'ai pas eu la force de tapper les 10 pages que constituent ce travail. Si certaines idées ne vous semblent pas clair, faites moi signe et j'essayerais de completer l'extrait.





Se délecterait-on de la morosité ? Oui, mais à une condition : que l'ensemble de départ (malheur, affect triste) diffère de celui d'arrivée (forme esthétque morose, agitée ou maniaque). une musique si souffrante soit-elle, dans ses motifs et son origine, le demeure-t-elle dans ses effets "réels" sur l'auditeur ou en l'artiste qui la produit ? L'idée ici défendue est qu'une transmutation des émotions préside l'établissement des consommations esthétiques, y compris les plus tendrement et jubilatoirement tristes. Cette transformation "affectuelle", sensitive, débute déjà dans l'esprit de 'artiste qui élabore son chant ou sa performance. Elle se poursuit dans le processus de l'audition et ses variantes modulées par des facteurs situationels ou de position sociale. La mise en musique, même isomorphe et imitative, des sentiments les plus déchirants ne produit que très rarement les "états causaux", sources potentielles d'émois tristes. [...]

Les artistes populaires sont des groupes minoritaires, motivés par une vision élective de leur activité. L'atermoiement morose n'est alors que l'une des manières d'accéder à un état spirituel incomparable. La matrice aristocratique ou élitiste soutien l'orientation créative de ces communautés plus ou moins bohèmes ou modernes. Peut - on parler "d'art du peuple" ? Les musiques populaires ne le sont pas au sens où elles seraient des "rémanences folkloriste". Elles renvoient plutôt à des modes de gestion et de réaménagement de l'hétérogénéité sociale. Elles permettent un remarquable brassage des groupes sociaux. Elles conduisaient ceux-ci à échanger des moyens de communication et à s'influencer réciproquement. Seul la variable "âge" échappe à ce maelström homogénéisant.

On a justement perçu que les tendances pop, rock "prolétaires" ou émergentent fascinent les classes "aisées, moyennes" ou "nobles" ou les "occidentaux". Peut expliquer cette fascination par l'impact de la figure de l'individu-foule, de l'homme "sauvage" ou ensauvagé plus que par celle de "l'homme du peuple" ?



Pleurer d'un certains point de vue, n'est pas seulement une activité exprimant la tristesse, Cela signifie parfois un excès hystérique, une simulation voire une stimulation. La variété des états moites est plutôt un bon signe de capacités de chacun d'entre nous à changer de registre de communication.

De même la posture snobe, celle de vouloir "sortir du cliché" lyrique ou "sentimentaliste" n'est en soi pas plus méritoire ou "supérieure". Cette dernière attitude ne renvoit-elle-pas à une culture sans Dieu et rejetant un contact intime avec le sacré ? Après les constats de la mort de Dieu de la fin du XIXème, cet antisentimentalisme est une revendication assez nette de maints groupes artistiques s'étant prétendus avant-gardistes durant le XXème.

Enfin on insistera sur le fait que les musiques rock pop sont devenus des tendances orthodoxes. Au fond, on est bien plus distinctif ou déviant aujourd'hui en éxécutant un solo de violon dans un concerto de Beethoven ou un chant provenant de quelques mémoires folk. Les musiques plus ou moins subversives, "bruitistes" sont devenues la norme de l'"être jeune et au monde" si bien que la mise en avant de la contestation par le son est un sujet de conversation "tarte à la crême" des bavards des musiques "branchées".



Le sentiment serait comme le résultat d'une osmose entre le moi et le monde, état subjectif certes, mais en contact avec le non-moi, et partiellement déterminé de l'extérieur. On conçoit alors que le sentiment ait en quelque sorte deux faces: l'une intérieure, liée aux tendances, à l'imagination, au tempérament du sujet;
et l'autre objective, liée aux situations concrètes dans lesquelles ce sujet se trouve engagé;
situations qu'il a peut être cherchées mais qu'il ne saurait avoir intégralement produites.

Cette notion, implique la mise en oeuvre d'une adaptation de l'individu à un contexte, à des sollicitations extérieures et, surtout, la régularisation et la canalisation de ses émotions vers une forme communément acceptable, échangeable et partagée. La tristesse, la joie, l'extase ou la mélancolie ne deviennent des sentiments qu'en étant l'objet d'une transaction et d'une acceptation cultivée par autrui. Les tendances musicales fortement répétées, ingérées, moroses ou joyeuses ne peuvent exister que dans des communautés, même si une transition et une désagrégation menacent leur ciment et leur structure. C'est la prévisibilité attendue et espérée des émotions suscitées par le rituel ou la performance qui font la spécificité des formes traditionnelles ou folkloriques. Il s'agit de refaire quelque chose, de réaccéder à un état, de reprendre contact avec une manière d'être et de se rappeler, de façon spéciale, la fondation d'une culture. Il s'agit de découvrir et de parcourir les lignes émotionnelles qui se ramifient dans un rêve communautaire et en un eldorado.

Que peut on dire des formes musicales moins folklorisées, rock, rap ou techno qui cherchent de façon systématiquement ambivalente, à se situer en dehors de la tradition tout en s'inspirant d'elles plus ou moins explicitement ? La première chose à souligner est que les formes rock et leurs succédantes ne se présentent pas seulement comme des cultures présentéistes : leur référence à des mythologies et leur révérence vis-à-vis d'illustres prédécésseurs sont de même nature que dans d'autres formes stylistiques. Tout en se voulant jouisseurs, provocateurs beaucoup de rockers, rappers ou producteurs underground sont étrangement affiliés, reliés et membres d'une communauté à construire et à diffuser comme mode de vie. La grande différence entre pop et folk cultures réside dans la conscience d'un monde perdu à construire, pour les premières, et à retrouver, pour les secondes. Dans les formes traditionnelles ou modernes, le passé et les qui l'illustrent sont l'objet d'une quête pathétique dont la difficulté est facilement partageable.Dans les styles plus proches de la dissidence rock, le groupe, autrui ou le public sont toujours des entités menaçantes, abstraites ou hors du coup. Il n'y a alors plus d'évidence de la mise en commun de l'émotion même si on se déclare communautaire, poète, libertaire ou fils illégitime de Huelsenbeck, dionysos et de Nietzsche. Le rap n'est pas seulement une tendance plaintive et revendicative, il recèle les mêmes contradictions culturelles que les rocks passés.



Une autre manière d'expliquer le caractère cru et direct des formes rock, rap est de faire l'intersection des sensations qu'elles cherchent à provoquer. On se rend compte que c'est une forme d'agitation cynique mêlée de trépidation passionnée. Ces courants, plus ou moins anticonformistes, se destinent à la pleine réalisation d'un programme de gestion de la transe. Dans ce sens ils sont éminemment humains, lyriques, communautaires voire humaniste et communautaristes et d'un autre point de vue ils annoncent l'application, au domaine des sentiments, des rituels et du corps, du mode digital de communication et de l'idéologie de fonctionnalité. Les sociétés humaines trouvent depuis très longtemps un secret plaisir dans l'atteinte d'une régulation émotionnelle par l'organisation du temps. Le contrôle de cette temporéalité est sophistiquée par des règles, des normes et des codes qui régulent certaines communications et l'expression d'affects en collectif. Les technofoules actuelles ne qu'une excroissance moderne et numérisée de ces besoins et de ces rites très anciens. Ces genres musicaux - gothic, rock, rap, punk- mettent en scène plus ou moins savamment une panique fondamentale, devant la béance des signes et des conventions, et un désir d'accélération de l'accès à un sentiment identitaire. Au lieu de vouloir échapper à l'alternance minante et fatigante d'états affectifs et de sensations, les rockers et rappers semblent la rechercher et la cultiver comme pour mieux contrôler la vraie nature de ce qu'ils considèrent comme leur propre identité.

Précisons en passant que les larmes et les pleurs parsèment le parcours des groupes vedettes: il sufit d'ouvrir aux bonnes pages les magazines illustrés de photos des musiques rock, pop pour découvrir des visages déconfits par une série irrésistible de lamentations larmoyantes, le plus souvent hystériques ou abattues. On me dire que ces pleurnicheries agitées n'ont rien à voir avec les tourments attristés d'un fado ou d'un tango. Notons seulement l'émergence et le diffusion croissante d'une morosité infinie ou d'une mélancolie dans tous les pores de la société. Spinoza ne soutient-il pas que la tristesse résulte d'une prise de conscience du "passage à un état de moindre perfection" ? Dans certains raps ou chansons rock on retrouve cette passion pour l'auto apitoiement et la syntonie pour le malheur d'un alter ego, similaire à l'artiste.

Pourtant, les genres rock etc. cristallisent quelque chose d'autre que cet instinct du triste et du fatal : une convention de l'explicite et de l'ensauvagement dans l'affirmation des émotions.

[...]

Toutes les grandes théories de socialisation sont basées sur l'idée que, face à des stimuli ambigu ou incertains à évaluer, chacun d'entre nous se tourne vers un groupe de référence ou d'appartenance pour les qualifier ou avoir une attitude adaptée face à eux.

[...]

En tenant comte d'un point de vue psychosociologique et durkheimien d'appréhension des phénomènes de représentation sociale que sont les genres musicaux et des travaux anthroplogique on doit percevoir dans l'activité musicale un phénomène rituel. En efffet, elle suppose "un système codifiés de pratiques, sous certaines conditions de lieux et de temps, ayant un sens vécu et une valeur symbolique pour ses acteurs et ses témoins en impliquant la mise en jeu du corps et un certain rapport au sacré"."Les rites sont des manières d'agir qui ne prennent un sens qu'au sein des groupes assemblés et qui sont destinés a susciter, à entretenir ou à refaire certains états mentaux de ces groupes".

La première caractéristique a mettre en avant chez les musiciens underground est celle de l'ambivalence. Ces derniers vivent une forme de mimétisme dégénérateur. En effet, contrairement aux pratiques folkloriques ou populaires traditionnelles, ces praticiens cherchent à affirmer une singularité personnelle en dépit d'un identification très nette à des courants, styles ou "vedettes".

On peut passer aux différentes dimensions de ces pratiques néo-rituelles :



1. Volonté d'influencer les médias, les conventions de communication, les institutions et de transformer leur idéologie latente

2. Besoin relatif de changer la situation d'anonymat et de faible visibilité commerciale à son propre profit.

3. Dépendance forte vis-à-vis des influences des "vedettes" et des modèles culturels prédominants dans le style revendiqué et par l'idéologie du buisiness.

4.Vocation pour la mission de leader de foule et désir de convertir autrui à sa production privé et à la vision du monde qu'elle implique.

5.Survalorisation des moments d'effervescence très intense des concerts ou descélébrations qui leurs sont associées.

6. Pratique de refuge dans les rituels semi-privés de répétition et de construction d'une identité virtuelle, partiellement concrétisée dans un répertoire et des "morceaux" enregistrés.

7. Représentation de la musique pure fondée sur les notions d'authanticité, de son sale, dépouillé, bruitiste.

8.Esthétique de la provocation teinté d'arrière pensée commerciale.



Une dernière remarque pourra etre faite sur l'importance de l'activité ludique dans cette obsession pour soi et ses méandres affectuels. L'alternance des états émotionnels, l'exploration de sensations particulieres, de rythmes spécifiques et des rêves éveillés doivent être apparentés à des jeux de rôles. Les karaokés appartiennent à cette même tendance exploratrice "pour voir" comme on dit au poker et pour "s'y croire" comme une vraie vedette. On tente le coup ! On s'essaie subrepticement à une autre identité. La vogue des carnavals et fêtes déguisées en France l'atteste. Les musiciens de rock et rap sont, d'une certaine manière des expérimentateurs de rôles professionnels. Peu d'entre eux arriveront à vivre de leur production. Le seul bénéfice est symbolique et provisoire. il est suspendu et associé au rituel lui même. L'activité ludique caractérise donc fortement ce foisonnement d'essais musicaux et explique les formes variées, incongrues, provocantes, trépidantes et cyclothymiques des styles comme le rock, le rap ou la techno. La fonction essentielle de ces musiques et de favoriser l'évasion d'un soi vers un possible différent, d'une identité vers plusieurs autres dont la diversité apaise la soif d'accomplissement et d'inscription dans des formes reconnues.
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Message par  Dim 10 Déc 2006 - 22:42

Nirnaeth a écrit:


Enfin on insistera sur le fait que les musiques rock pop sont devenus des tendances orthodoxes. Au fond, on est bien plus distinctif ou déviant aujourd'hui en éxécutant un solo de violon dans un concerto de Beethoven ou un chant provenant de quelques mémoires folk. Les musiques plus ou moins subversives, "bruitistes" sont devenues la norme de l'"être jeune et au monde" si bien que la mise en avant de la contestation par le son est un sujet de conversation "tarte à la crême" des bavards des musiques "branchées".


Trés bien ça.

Tout compte fait, dans une société bruyante (pour faire oublier qu'elle n'a rien à dire) et pressée (pour faire oublier qu'elle fonce dans le mur), le silence et la lenteur sont logiquement deux formes de résistance.


Nirnaeth a écrit:
La première caractéristique a mettre en avant chez les musiciens underground est celle de l'ambivalence. Ces derniers vivent une forme de mimétisme dégénérateur. En effet, contrairement aux pratiques folkloriques ou populaires traditionnelles, ces praticiens cherchent à affirmer une singularité personnelle en dépit d'un identification très nette à des courants, styles ou "vedettes".




Mais en quoi cette "ambivalence" est-elle spécifique aux "musiciens underground"??



Est-ce qu'un individu dans cette société n'est pas nécessairement écartelé entre les injonctions qui lui sont faites d'être unique, différent, original, et son besoin d'appartenance, d'enracinemant dans un groupe, dans une culture?

Pourquoi faire de cette "ambivalence" une "caractéristique" des seuls "musiciens underground"?
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