A propos de la Société de Théosophie

Un dignitaire de la franc-maçonnerie des Etats-Unis, le colonel Henry Steel Olcott (1832-1907), qui enquêtait pour un journal américain sur une histoire de fantômes, fit la connaissance, en 1874, d'une spirite russe nommée Héléna Petrovna Blavasky (1831-1891). Par la rencontre entre ces deux personnes devait naître à New-York, le 20 octobre 1875, la sociéte dite "d'investigations spiritualistes". Elle pris rapidement le nom de "Société Théososophique" dés le 17 novembre 1875. Le but initial était d'entreprendre l'étude systématique des théosophies antiques. Son président était le colonel Olcott, sa secrétaire était H.P.Blavatsky et son trésorier était Henry J. Newton, un spirite. Parmi les membres, on trouvait Charles Sotheran, un des hauts dignitaires de la Franc-Maçonnerie américaine.

La "Théosophie" existait déjà, doctrine ésotérique occidentale transmise par des penseurs mystiques tels Jacob Böhme (1575-1624), mais la doctrine propagée par la Société nouvelle n'avait rien à voir avec celle des siècles passés. Celle-ci apportait aux recherches un certain esprit méthodique : expériences sur des médiums, conférences d'érudits, magnétisme, télépathie, tout lui paraissait intéressant. Peu à peu, elle s'aménuisa et, finalement, il ne resta plus que le colonel Olcott et H.P.Blavatsky.



Durant les trois années qui suivirent, les travaux de la Société Théosophique portèrent sur la rédaction du livre: "Isis dévoilée". Cet ouvrage mélangeait les doctrines de la Kabbale, du bouddhisme, des écritures hindoues et taoistes, de Pythagore et d'Agrippa et prétendait avoir été inspiré par des êtres mystérieux, gardiens des vérités oubliées : les "Supérieurs Inconnus". Dans ce livre, H.P. Blavatsky fustige la Science et le matérialisme, parce qu'ils ne reconnaissent pas le spiritisme et s'en prend aux religions établies.

W.E. Coleman, un expert en matière de spiritisme, accusa alors H.P. Blavatsky de plagiat, preuves à l'appui, car de nombreux passages avaient été simplement recopiées dans la littérature ésotérique disponible à l'époque). En 1878, Olcott et H.P.Blavatsky partirent donc se réfugier en Inde ou leur société avait fait de nombreux adeptes. En 1882 ils purent acquérir à Adyar, près de Madras en Inde, une propriété qui devint le centre mondial de la Société Théosophique. H.P.Blavatsky acceptant difficilement le rapport de la Société pour la recherche psychique, déclarant en 1885 qu'elle était "un imposteur parmi les plus parfaits, les plus ingénus, les plus intéressants de tous les temps", décida de regagner l'Europe pour y apporter son second ouvrage: "La doctrine secrète", qui clarifierait certains points obscurs de son "Isis dévoilée". Ce nouveau livre empruntait cette fois aux littératures hindouistes et bouddhiques, les "Supérieurs Inconnus" étant remplacés par les "Maîtres Invisibles" vivant dans un sanctuaire sacré de l'Himalaya : le royaume de Shamballa. Ces derniers étaient sensés communiquer par l'intermédiaire de lettres qui apparaissent comme par enchantement sur le bureau de H.P.Blavatski.



Mais une société de "recherche psychique" regroupant des passionnés de spiritisme, la Society for Physical Research (SPR), dénonce l'imposture en 1885, avec là encore de nombreuses preuves à l'appui : trucages, manipulations… L'information sera reprise par René Guénon (un franc-maçon français) dans un livre intitulé "Le Théosophisme, histoire d'une pseudo-religion".

Ce scandale n'empêchera pas la Société de Théosophie de prospérer

H.P.Blavatsky mourut le 8 mai 1891, alors que le colonel Olcott, qui était resté en Asie, s'était converti au bouddhisme et préparait et hâtait la libération des Indes. Il se mit à parcourir l'Asie pour "réveiller les foules endormies" jusqu'à la fin de sa vie, le 17 février 1907



Annie Besant, devient ensuite la nouvelle présidente de la Société Théosophique et alors Charles.W. Leadbeater comme conseiller. Né en 1847, ce dernier s'était converti au bouddhisme puis à la théosophie.

Annie Besant et C.W. Leadbeater se lancent alors dans des recherches qui aboutissent à une rupture avec certains des enseignements essentiels d'H.P.Blavatsky. Ils finirent par "démontrer" en 1909 que Jésus était réapparu dans la personne d'un jeune Hindou de 14 ans : Krishnamurti, et ils décidèrent de prendre son éducation en main pour en faire leur Messie.

La Société Théosophique développe alors l'idée messianique de la proche apparition de l"'Instructeur mondial", maître spirituel qui unifierait toutes les traditions religieuses. En 1910, elle fonde, à côté de la Société Théosophique, un ordre ésotérique destiné à faciliter la tâche du nouveau Messie : l'ordre de l'Etoile d'Orient, dont Krisnamurti est désigné comme chef suprême.Elle fonde aussi l'éphémère "Ordre du Temple de la Rose-Croix" en 1912.



Rudolf Steiner (1861-1925), secrétaire général de la section allemande de la Société Théosophique depuis 1905, quant à lui, se refusait à suivre Annie Besant et récusa ses pratiques spirites et son antichristianisme. En 1913, il envoya un télégramme comminatoire à Adyar pour demander la déposition d'Annie Besant. Steiner fonda ensuite une nouvelle société théosophique dissidente (plus tournée vers le christianisme)à Dornach, près de Bâle. Il fonda à Berlin, la Société Anthroposophique qui fut principalement une "université libre de sciences spirituelles". Selon ces antroposophes, H.P.Blavatsky aurait joué avec les forces noires de la magie et aurait affaibli ses visions de l'au-delà. Steiner, qui avait suivi la voie du "noble clairvoyant", aurait, quant à lui, découvert la vraie vérité.



Pendant ce temps, entre 1912 et 1921, Krisnamurti poursuivait ses études à Londres et à Paris où il donna une conférence remarquable à la Société théosophique de Paris.

En 1922, il se rend à Ojaï, vallée montagneuse près de Los Angeles ou, après deux semaines de méditation, il subit une expérience mystique. Il se détache alors peu à peu de la Société Théosophique par une rupture consommée progressivement de 1922 à la mort d'Annie Besant. Il rejette le rôle qu'on voulait lui faire jouer et décide de suivre sa propre voie, en maître spirituel reconnu : Le 3 août 1929 Krishnamurti annonce la dissolution de l'Ordre de l'Etoile. La Société Théosophique se trouve alors dans une grande confusion : Les théosophes voulaient faire une nouvelle église avec lui, mais cette unique tentative de la Société Théosophique de s'ériger comme "religion" se trouve ainsi avortée.

Ainsi que Krishnamurti l'avait prévu, ses anciens amis se séparent alors de lui.

Krishnamurti se retire ensuite en Californie et écrit une oeuvre philosophique et religieuse très importante Il enseigne plus de cinquante ans par des conférences, des livres et dans les écoles qu'il fonde. Il mourra le 17 février 1986, aux Etats-Unis, à Pine Cottage, à côté de Los Angeles, à près de 91 ans.

L'influence de Blavatsky sur les esprits fut immense et elle est encore très grande aujourd'hui. Ses écrits furent notamment considérés comme de bonnes références par beaucoup de prosélytes du mouvement new age. On pourrait dire d'elle qu'elle fut la plus grande manipulatrice du XIXème siècle, la mère de tous les gourous et de nombreux " nouveaux mouvements religieux " modernes ;
et Krishnamurti fut, indirectement, sa plus grande victime. J'ai donc décidé de vous raconter la vie de H.P. Blavatsky et l'histoire de ceux qui, après sa mort, ont continué à répandre son idéologie.



Afin que l'on ne m'accuse pas d'avoir tiré toutes mes informations de sources appartenant à une idéologie opposée de celle de Blavatsky, je préfère préciser tout de suite que j'ai écrit la majorité de l'histoire de Blavatsky en me basant sur un auteur très favorable à l'ésotérisme et au paranormal.

Ma principale source est " Le théosophisme, histoire d'une pseudo-religion " (1922), de René Guénon, individu souvent considéré comme l'un des plus grands – sinon le plus grand – ésotériste du XXème siècle. En tout cas, incontestablement le plus sérieux et le plus rigoureux. Son enquête sur le théosophisme fait plus de 400 pages.



H.P. Blavatsky naquit en 1831. Je ne détaille pas les premières décennies de sa vie mouvementée, dont les récits sont contradictoires. Oublions donc cette période.

Retrouvons la plutôt en 1870 au Caire, où elle officie en tant que médium, après avoir fondé une société de spiritisme. Convaincue de fraude, elle fuit le Caire en 1872 pour rejoindre Paris, puis s'exile en Amérique, guidée par un esprit nommé John King. Ce même esprit fut démasqué en 1875, lorsque les fraudes de la soi-disant médium furent une fois de plus révélées. Blavastky fut même publiquement attaquée par le plus célèbre médium de l'époque, Dunglas Home, dans son livre " incidents of my life ". De plus en plus décrédibilisée, elle finira par être expulsée de la société mystique dont elle faisait alors partie (la " H.B. of L. ").



John King disparaitra alors au profit d'un autre esprit, " Sérapis " apparu pour la première fois le 7 septembre 1875. Quelques semaines plus tard, le 20 octobre, Blavatsky et trois de ses amis fondent une association spirite qui adoptera peu après (le 17 novembre 1875) le nom définitif de " société théosophique ". Cette société se retrouve rapidement affiliée à une autre, l'Araj Samaj, association fondée en Inde en 1870 par le Swami Dayananda Saraswati. La société théosophique est donc désormais considérée comme une section de l'Araj Samaj. Bizarrement, à ce changement des statuts de l'association correspond un nouveau remplacement des " guides " spirituels : dans les transes blavatskiennes, l'égyptien Sérapis est remplacé par une entité désignée sous le nom du " Kashmiri brother ".



En 1876, H.P. Blavatsky, désormais présidente de la société de théosophie, est prise par l'envie d'aller en Inde, pour voir par elle même ce qu'elle ne connaît que par ses lectures. Ses amis cherchent des moyens de l'en dissuader, en particulier son associé Henry S. Olcott, qui fait jouer ses relations rosicruciennes (par l'intermédiaire de la " Golden Dawn ", une autre secte associée à la société théosophique) pour tenter d'empêcher le voyage. Le départ pour l'Inde aura tout de même lieu, mais avec du retard. Entre temps elle publie son premier livre, " Isis dévoilée " (1877), un énorme succès qui attirera à la société de théosophie de nombreux nouveaux membres.



C'est le 18 novembre 1878 que H.P. Blavatsky prend son départ pour l'Inde. Dans une lettre datée du 6 novembre, elle justifie ainsi cet exil : " C'est à cause de cela [elle parle du le livre du medium Dunglas Home qui avait dénoncé ses fraudes], que je vais dans l'Inde pour toujours ;
et par honte et par chagrin, j'ai besoin d'aller où personne ne sache mon nom. La malignité de Home m'a ruinée à jamais pour l'Europe ".



Elle s'installe d'abord à Bombay puis, en 1882, à Adyar, qui sera désormais le siège central de la société théosophique. Là, loin des regards critiques, les phénomènes paranormaux se multiplient comme jamais. De nouvelles entités spirituelles entrent en contact avec Blavatsky, elle les nommera ses " mahatmas ", ils resteront ses principaux guides jusqu'à la fin de sa vie. Il s'agit de Koot Hoomi et Lal Singh, des Maîtres Invisibles sensés être membres de la "Grande Loge Blanche ", la hiérarchie occulte qui gouverne secrètement le monde. Bizarrement, ces êtres supérieurs communiquent essentiellement par courrier (envoyés à Blavatsky), et semblent avoir un goût pour le plagiat. Par exemple, une lettre de Koot Hoomi datant de 1881 s'est avérée être en grande partie la copie d'un discours prononcé en 1880 à Lake Pleasant par le professeur Henri Kiddle et publié en même temps dans un journal spirite...



C'est en 1882 qu'est rompue l'association entre la société théosophique et l'Araj Samaj. Dayananda Saraswati, après avoir enfin fait connaissance directement avec Blavatsky, rejette la société théosophique et précise que sa médium était une " farceuse " et " qu'elle ne connaissait rien de la science occulte des anciens yogis et que ses soi-disant phénomènes n'étaient dus qu'au mesmérisme, à des préparations habiles et à une adroite prestidigitation ". Blavatsky est démasquée une fois de plus, mais cela n'aura pas beaucoup d'importance, car entre temps la société de théosophie est devenue de plus en plus puissante et peut se passer de l'association avec l'Araj Samaj. La société s'est étendue un peu partout sur le monde " civilisé ", et Blavatsky règne maintenant sur une vaste organisation qui compte déjà 120 loges et des sections nationales aux USA, en Angleterre, en Inde, Australie, Suède, Nouvelle-Zélande, Pays-bas et France (une trentaine d'autres pays s'ajouteront à la liste durant les décennies suivantes). Parmi les membres les plus célèbres de la société, on trouvera Thomas Edison, Abner Boubleday (l'inventeur du base-ball), William Crookes (nobel de chimie), Henry A. Wallace (vice-président des états-unis), l'écrivain Gustave Meyrink, les poètes George W. Russell et William Butler Yeats, le peintre Piet Mondrian, et j'en passe.



Mais revenons à notre histoire.



En 1883, Henri Kiddle proteste publiquement à cause du plagiat de son discours par Koot Hoomi. Le scandale est suivi de nombreuses démissions dans la branche londonienne de la société de théosophie. Très opportunément, à la même époque Koot Hoomi cesse temporairement ses contacts, après avoir envoyé une lettre d'excuses où le Maitre précise que le jour où il a écrit le plagiat, il était très fatigué et avait confié la rédaction à un subalterne : celui-ci avait oublié d'indiquer que le passage incriminé était une citation. Koot est alors remplacé par un autre guide, le mahatma Morya. Celui-ci est une vieille connaissance de Blavastky et Olcott. En effet, tous les trois se sont bien connus, plusieurs milliers d'années auparavant, en Atlantide, où ont vécu certaines de leurs incarnations antérieures.



En 1884, le Dr Richard Hodgson débarque à Adyar. Il y a été envoyé en mission par la SPR britannique, la " Society for Psychical Research ", composée essentiellement de scientifiques (certains très célèbres, comme le prix nobel de médecine Charles Richet) qui croient au spiritisme et organisent des expériences pour en établir la réalité. La SPR avait entendu parler des miracles produit par Blavatsky, et était suffisamment intéressée pour envoyer le Dr. Hodgson enquêter sur place. Il rend son rapport en 1885, et les conclusions ne surprendront personne : il déclare Blavatsky " coupable d'une combinaison longuement continuée avec d'autres personnes, en vue de produire, par des moyens ordinaires, une série d'apparentes merveilles pour le soutien du mouvement théosophique ". Ce rapport provoque une nouvelle vague de démissions dans la section anglaise de la théosophie, et la dissolution de la section française après la démission de tous ses dirigeants.



Blavatsky doit fuir une fois de plus. En 1885 elle s'installe en Allemagne avec l'écrivain Solovioff, lui aussi membre de la société théosophique. Cette amitié ne durera pas. Le 16 février 1886, il démissionne de la société en donnant comme motif : " Mme Blavatsky a voulu profiter de mon nom et m'a fait signer et publier le récit d'un phénomène obtenu par fraude au mois d'Avril 1884 ". Il écrira d'ailleurs en 1892 un ouvrage dénonçant les nombreuses fraudes de la " médium " auxquelles il a assisté durant les séances de spiritisme.



En 1887, Blavatsky s'installe en Angleterre, où elle passera désormais l'essentiel de son temps à continuer la rédaction de sa grande oeuvre, " La doctrine secrète ", publiée en 1888. Cet inextricable fouillis de gnosticisme occidental et de spiritualité orientale mal digérée fut rédigé uniquement en se basant sur des informations de seconde main. Ainsi que l'a montré l'orientaliste William Emmette Coleman au terme d'une enquête de 3 ans sur les sources bibliographiques de " Isis Dévoilé " et de " La doctrine secrète ", Blavatsky n'a jamais pratiqué les textes religieux originaux, toutes ses connaissances viennent d'un petit nombre d'ouvrages d'occultisme et de spiritisme récents et généralement médiocres. L'imposture est complète.

Mais ce livre aura beaucoup de succès, par exemple on sait trop peu que c'est en lisant Blavatsky que Ghandi s'est intéressé aux textes religieux indiens, que l'enseignement des missionnaires lui avait appris à mépriser. Aujourd'hui encore, on trouve plus facilement " la doctrine secrète " en librairie que certains ouvrages scientifique essentiels de la même époque (à propos, avez-vous remarqué l'énorme déséquilibre qui règne dans la majorité des librairies, entre un rayon scientifique souvent réduit à quelques rayons et un rayon ésotérisme toujours plus envahissant ? Dans la fnac de ma ville, Le rayon ésotérisme est environ 8 fois plus grand que le rayon science).



Mais oublions un moment l'histoire pour nous pencher sur la doctrine des théosophes, tels qu'elle apparaît dans les deux ouvrages de Blavatsky (" Isis dévoilé " en 1877, et " La doctrine secrète "). Blavatsky réécrit l'histoire du monde en se basant sur ses visions, car elle est en contact avec ce qu'elle nomme les " archives akashiques ", des images mentales du passé inscrites dans le tissu de l'univers, et accessibles à ceux qui ont atteint un niveau de conscience suffisant. Grâce à ce lien avec le grand tout Blavatsky a pu écrire les " stances de dzyan ", le plus ancien manuscrit de l'humanité, l'élément central de la doctrine secrète.

L'original est écrit en Senzar, langue inconnue des philologues, mais que quelques initiés comme Blavatsky peuvent déchiffrer, avec l'aide des Maîtres Invisibles qui la guident spirituellement. Cette langue était parlée par les premiers hommes, à l'époque paléozoïque (avant l'apparition des dinosaures), mais les stances de Dzyan furent rédigées plus récemment, il y a un million d'années, quand les dieux dictèrent directement le livre aux hommes pour la première fois. Tous les textes religieux suivants, de la bible aux vedas, ne sont selon Blavatsky que des versions abatardies de la révélation primordiale des Stances de Dzyan.

La cosmologie blavatskienne est étonnante. On y trouve toute une hiérarchie d'être célestes, supra-terrestres, aux fonctions variées, qui s'incarnent parfois sur terre pour effectuer diverses tâches. Ainsi les démiurges lunaires créent les corps, mais l'âme est introduite par les archanges solaires. D'autres, les " seigneurs de la flamme ", sont des esprits évolués originaires de la planète Vénus. Toutes ces théories auront une certaine influence sur bien des délires contemporains, notamment la théorie des anciens astronautes, reprise par Raël, Charroux ou Von Daniken.



Le plus drôle dans la doctrine, c'est l'évolution de l'homme. Elle est faite d'une succession de " races ", des plus inférieures aux plus évoluées. La première race humaine, dont le corps était gélatineux, vécu au Silurien, sur la " terre sacrée ", un continent englouti. La seconde race, des géants sans squelette, apparut a l'ère secondaire et vivait en hyperborée (encore un continent submergé par les eaux). La troisième race est constituée de cyclopes géants, plus solides et plus intelligents : ils vécurent à l'époque des dinosaures, sur un continent nommé Lémurie, qui fut ensuite englouti. Mais les cyclopes eurent de nombreuses réalisations à leur actif, comme les pyramides maya et les statues de l'île de Pâques – en effet toute une pseudo-archéologie est créée par Blavatsky et elle sera plus tard en partie récupérée par Jacques Bergier (qui fut membre de Mensa) et Pauwels dans " Le matin des magiciens ". Notez en passant que " le matin des magiciens " mentionne à trois reprises les " stances de dzyan " parmi ses sources, pour évoquer l'existence possible d'humains à l'époque des dinosaures, et parler des " maitres venus du ciel " et de l'éventuelle origine extra-terrestre de l'humanité.

Les cyclopes furent remplacés par la quatrième race, les atlantes, des hommes de grande taille possédant un troisième oeil sur le front, qui s'éteignirent au miocène quand l'Atlantide fut elle aussi engloutie. La cinquième race est celle des européens actuels, la sixième la remplacera dans quelques siècles, elle est déjà en germe aux USA. Et enfin, elle sera remplacée par la septième race, qui n'aura plus de corps, et atteindra l'équilibre parfait entre intelligence et spiritualité.



Bon arrêtons le détail des théories blavatskiennes, je crois que là, c'est suffisant.



Helena Petrovna Blavatsky meurt le 8 mai 1891.



Parlons un peu de la suite de l'aventure pour les théosophes. La mort de Blavatsky engendra nombre de problèmes, plusieurs membres prétendaient être son successeur légitime, disaient recevoir des messages des " mahatmas ", et accusaient leurs concurrents d'imposture. Les conflits dureront plusieurs années avant que la direction de la société ne soit confiée à Annie Besant. Tout prend alors un tour encore plus délirant, c'est devenu un club dont l'activité essentielle consiste, pour les membres, à se remémorer leur vies antérieures au sein de la noblesse atlante et à se les raconter dans le journal de l'association. C'est dans cette ambiance que les dirigeants de la théosophie décideront de créer leur messie, la réincarnation du Christ (car sous la direction de Besant la théosophie avait pris des allures de christianisme ésotérique), un jeune enfant qu'il élèveront (manipuleront) dans le but d'en faire un dieu vivant. La victime s'appelait Krishnamurti. Il ne fut vraisembablement pas victime que de manipulations, si on en croit les accusations récurrentes de pédophilie à l'égard de Charles Leadbeater (le bras droit d'Annie Besant), qui fut l'instructeur de Krishamurti. Leadbeater sera même banni de la société théosophique en 1906 à cause de ces accusations, puis réintégré sous certaines conditions en 1908.

A la suite d'un procès en 1913 la garde de Krishnamurti fut rendue à ses parents et le texte du jugement précise que Leadbeater fait un " compagnon très dangereux pour des enfants ", mais en 1914 Annie Besant gagne son procès en appel, récupère le gamin, et Leadbeater reprend " l'éducation " très spéciale de Krishnamurti.



Mais cela va encore plus loin. Même les idées les plus grotesques peuvent survivre à leurs créateurs. Elle prennent juste une autre forme. Parfois simplement littéraire, comme avec Conan Doyle ou Lovecraft, qui ont repris certaines idées blavatskiennes comme thèmes de fiction. Mais beaucoup de mouvements religieux modernes ont étés très inspirés par la théosophie (par exemple le rosicrucian fellowship, l'AMORC, et les théories de Gurdjieff – inspirateur de Pauwels - et celles d'Ouspiensky), ou fondés par certains anciens théosophes. J'aimerais raconter l'histoire de l'un d'eux.



Rudolph Steiner, rosicrucien et dirigeant de la branche allemande de la société théosophique, démissionnera suite à l'affaire Krishnamurti. Il sera suivi par la majorité des théosophes allemands (55 des 69 loges théosophes allemandes le rejoindront), suisses et italiens, et créera avec les mécontents une nouvelle organisation, la " société anthroposophique ", qui est donc dans la filiation directe de la théosophie. Il garde les principales idées : la réincarnation, nos ancêtres de l'Atlantide et de Lémurie, les visions révélant la préhistoire de l'humanité, le rôle des vénusiens dans tout ça, etc. Mais Steiner aura beaucoup plus de succès, malheureusement. Et son organisation prendra une ampleur incroyable. Steiner touchera à tout, imprimant sa marque dans le domaine de l'agriculture (l'agriculture bio-dynamique, c'est lui - ou comment planter ses carottes en fonction des influences astrales), la médecine (les laboratoires Weleda, c'est lui), l'éducation (les écoles Steiner – ou écoles Waldorf – c'est lui), et j'en passe :...

Aujourd'hui son organisation est plus puissante que jamais. Elle fut d'ailleurs classée comme secte par les rapports de la MILS (Mission Interministérielle de Lutte contre les Sectes) de 1999 et 2000, puis retirée de ce classement suite aux plaintes des anthroposophes, et un procès contre le président de la MILS conduisit à une condamnation symbolique et son renvoi de ce poste.



La société d'anthroposophie possède d'innombrables ramifications, sociétés, laboratoires, pépinière, banques, exploitations minières, établissements thérapeuthiques (aujourd'hui la médecine anthroposophique prétend même guérir le cancer et le sida), centres de formation, sans compter les écoles : plus de 2000 jardins d'enfants et écoles dans le monde (les écoles Steiner-Waldorf) ! En passant, il faut préciser que, même si ces écoles n'enseignent pas les croyances anthroposophiques, les méthodes pédagogiques qu'elles appliquent sont basées sur les croyances de Steiner. Par exemple le fait que, selon lui, l'âme ne s'incarne dans le corps humain qu'à l'âge de 7 ans. Comme avant cet age, l'enfant n'a pas d'âme, il ne peut apprendre autrement que par imitation et par jeu : rien n'est fait pour stimuler ses autres facultés. A partir de 7 ans, il a une âme, et c'est à son imagination que l'enseignement fera désormais appel : les mythes et les légendes auront une grande place dans l'enseignement, y compris dans les cours de sciences. Les écoles Steiner - Waldorf font l'objet depuis plusieurs années d'une surveillance serrée de la part de l'état, car certains faits sont gênants, comme le taux de vaccination des élèves, beaucoup trop bas. Ou encore le fait que les enseignants soient recrutés essentiellement parmi les membres ou sympathisants de l'anthroposophie, et que la plupart aillent régulièrement faire des stages de formation organisés par des anthroposophes.



Un autre point sujet à controverse concerne le racisme, même si cela ne concerne pas toutes les écoles Waldorf, il eut plusieurs cas d'enseignants qui suivaient d'un peu trop près les théories ouvertement racistes de Rudolph Steiner, qui viennent directement des théories encore plus racistes de Blavatsky. Blavatsky n'hésitait pas à affirmer que les noirs étaient " une sous-race très inférieure " ou que les sémites étaient " spirituellement dégénérés ". Steiner est plus modéré dans ses propos, par exemple il écrit (" Ame des peuples, p. 77) : " L'africain est infantile, l'asiatique juvénile, l'européen est mature. Cela correspond tout bonnement à une loi. "On pourra certes nous objecter que dans ce cas, l'Européen est avantagé par rapport aux races noires et jaunes ;
mais en réalité aucune race n'est défavorisée, du fait que tous les hommes s'incarnent dans les différentes races au cours des vies successives ". Il est particulièrement dur avec les amérindiens : " Regardez, donc les dessins d'anciens indiens et vous verrez la dégénérescence de la race;
" (p. 115)

La "Théosophie" existait déjà, doctrine ésotérique occidentale transmise par des penseurs mystiques tels Jacob Böhme (1575-1624), mais la doctrine propagée par la Société nouvelle n'avait rien à voir avec celle des siècles passés.

MedievalCraft a écrit:En tout cas, je compte lire un bouquin de plus de Steiner pour me faire un avis définitif.

MedievalCraft a écrit:Ok merci du conseil :cool: