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Inquisition

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Message par  Jeu 20 Mai 2004 - 22:49

Comme Niflheim se posait la question, et pour éviter de surcharger ou de faire trop dévier le sujet initial, je mets ici une étude sur l'Inquisition.
Souvent synonyme d'intolérance, de persécutions, de cruauté, le terme désigne d'abord un tribunal ecclésiastique chargé de réprimer les hérésies – c'est l'Inquisition pontificale – puis une institution politique, fonctionnant sous le couvert de la religion dans les territoires relevant de la couronne hispanique – c'est l'Inquisition espagnole. La première, créée au XIIIe siècle, a appliqué sa procédure d'exception à tous ceux qui apparaissaient comme une menace pour la foi, tels les cathares, les sorcières et les devins. La seconde a profondément marqué la culture ibérique.



L'idée d'inquisition (le mot vient d'un terme latin qui signifie «enquête») est presque aussi ancienne que l'Église elle-même: elle résulte de la lutte contre les hérésies, qui implique la recherche et la punition des adeptes. Après que Théodose, en 380, eut fait du christianisme la religion d'État, les délits d'hérésie ont souvent été assimilés à des crimes de lèse-majesté et punis de manière beaucoup plus brutale que précédemment: là où les Pères de l'Église avaient préconisé des peines spirituelles, on devait aller, à la fin de la période romaine, jusqu'à la peine de mort.



Le tribunal ecclésiastique

Dans l'Église médiévale, les évêques sont chargés de découvrir et de punir les déviances doctrinales. C'est une tâche délicate, car les hérétiques se présentent souvent comme les gardiens de la pureté de la foi.



Bernard de Clairvaux, au XIIe siècle, considère encore que les déviants doivent être convaincus essentiellement par la parole. Mais Thomas d'Aquin n'hésite pas, au siècle suivant, à souligner le lien existant entre la théologie et le droit civil. En effet, l'hérétique est doublement rebelle: à Dieu d'abord, mais aussi aux autorités pontificale ou royale, voulues et instaurées par Dieu sur la Terre. Le coupable peut donc encourir la peine de mort.



Comme les sectes dissidentes se multiplient au XIIe siècle, menaçant l'unité de l'Église, celle-ci dessaisit peu à peu les évêques de leur pouvoir d'enquête et met progressivement en place, en accord avec bon nombre de souverains, une organisation spécialement chargée de les combattre. En 1179, au IIIe concile du Latran, le pape Alexandre III promulgue un décret contre les «hérétiques patarins et cathares», stipulant qu'il est loisible d'user de violence «contre leurs violences», de confisquer leurs biens, voire de les réduire en esclavage. Au concile de Vérone, en 1184, le pape Lucius III promulgue une constitution créant l'obligation pour les évêques de faire la chasse aux hérétiques et de les traduire devant leurs tribunaux. Cela concerne, en particulier, la France méridionale et le nord de la péninsule Ibérique, où se développe l'hérésie vaudoise. Devant l'extension du catharisme dans les pays d'oc, le concile de Toulouse, en 1229, renforce l'inquisition épiscopale par l'adjonction de représentants de Rome, appartenant pour la plupart à l'ordre, de fondation récente, des Dominicains, auxquels le pape Grégoire IX accorde des pouvoirs spéciaux. C'est donc un véritable tribunal d'exception qui fonctionne à partir de 1231. La procédure d'inquisition permet de se passer de l'accusation (ou de la dénonciation) pour poursuivre, sur simple soupçon, les hérétiques.



Fonctionnement

La chrétienté est divisée en régions, dotées chacune d'un inquisiteur. Ce dernier est responsable de la prédication et des enquêtes: les fidèles sont sommés de dénoncer les hérétiques, et ceux-ci doivent se rétracter sous peine d'être traduits devant le tribunal inquisitorial. Les peines encourues sont surtout spirituelles (pénitences, jeûnes, pèlerinages) pour ceux qui se repentent. À ceux qui persistent dans l'erreur, on applique la confiscation des biens et l'emprisonnement (en général perpétuel);
l'usage de la torture, ou question, afin d'obtenir des aveux, est rendu licite vers 1256. Les sentences sont prononcées publiquement et peuvent aller de la flagellation à la peine de mort. Dans ce cas, le condamné est remis entre les mains des autorités séculières chargées de l'exécution sur le bûcher, les clercs ne pouvant pas attenter à la vie d'autrui. Les repentis qui retombent dans l'erreur (relaps) sont systématiquement condamnés à la mort par le feu.



Les abus des inquisiteurs (qui reçoivent le droit de se relever mutuellement de leurs fautes ou des sanctions prises contre eux) suscitent l'inquiétude des autorités, et provoquent des révoltes populaires. L'immense pouvoir de l'Inquisition est entamé au concile de Vienne, en 1312, et ce sont des tribunaux royaux qui mèneront la lutte contre la Réforme. En France, l'Inquisition est supprimée au début du XVIIIe siècle.



L'inquisition castillane

Dans la seconde moitié du XVe siècle, la reconquête des terres espagnoles occupées par les musulmans est en voie d'achèvement et les Rois Catholiques préparent l'unification du royaume, dans lequel vivent d'importantes communautés juives et musulmanes. Les juifs sont présents dans la péninsule depuis la diaspora du Ier siècle;
après avoir été l'objet de très graves persécutions au VIe siècle de la part de la monarchie wisigothique et au VIIe siècle dans l'Espagne musulmane, puis de fréquentes attaques dans l'Espagne chrétienne, ils ont en général droit de cité, sous réserve de quelques contraintes. À plusieurs reprises, ils ont dû être protégés par la papauté. Les grandes villes ont une synagogue et des écoles rabbiniques. Mais l'intolérance se manifeste dès avant 1478. Les juifs sont souvent accusés de s'attaquer à la religion chrétienne: on les implique dans des affaires d'hosties profanées ou d'enlèvements d'enfants chrétiens;
autant de mauvais prétextes pour de périodiques persécutions et confiscations de biens. Mieux traitées sur les terres contrôlées par les musulmans, les communautés juives sont nombreuses en Andalousie.



Pour échapper aux massacres, de nombreux juifs se sont convertis, mais ils restent toujours suspects. Les conversos sont accusés de s'introduire dans toutes les sphères, y compris les plus hautes, de la société castillane, d'entrer par alliance jusque dans les familles nobles, d'exercer des fonctions administratives ou même ecclésiastiques, voire d'occuper des sièges épiscopaux. Aussi les Rois Catholiques sont-ils «sollicités» par les chrétiens de souche ancienne («bons chrétiens», ou «vieux chrétiens»), pour lutter contre ce «péril». À leur demande, le 1er novembre 1478, le pape Sixte IV autorise la création d'un nouveau tribunal inquisitorial, voué à la recherche des «mauvais chrétiens», conversos ou marranos (juifs convertis continuant à pratiquer le judaïsme en secret);
s'il reviennent au judaïsme, ils sont considérés comme apostats.



Une institution royale

Le nouveau tribunal, appelé aussi tribunal du Saint-Office, ne relève pas, contrairement à l'Inquisition médiévale, de l'Église mais du pouvoir royal. C'est le souverain, en effet, qui désigne ses membres (deux ou trois), séculiers ou réguliers, gradués en théologie ou en droit canonique;
dans la pratique, ce sont surtout des dominicains. Les premières décisions du tribunal ayant alarmé Sixte IV par leur caractère excessif, il déclare, dans un bref de 1482, que sa bonne foi a été en quelque sorte surprise, et il refuse d'étendre l'Inquisition au royaume d'Aragon;
en 1483, il stipule que le Saint-Siège peut recevoir tous les appels contre les décisions du tribunal. Il aurait même songé à le supprimer, avant de le confirmer finalement en reconnaissant la nomination, en 1485, de Tomás de Torquemada comme inquisiteur général pour la Castille, l'Aragon, la Catalogne et Valence. Le sinistrement célèbre dominicain exerça la fonction jusqu'en 1498.



Le nom de Saint-Office désigne, outre l'Inquisition espagnole, une congrégation romaine qui prit officiellement cette appellation en 1908. Elle avait été créée en 1542 par le pape Paul III, sous le nom de Congrégation de la Suprême Inquisition, pour combattre les progrès de la Réforme. En 1965, Paul VI modifia les compétences et surtout les méthodes du Saint-Office – la procédure inquisitoriale est abolie –, désormais appelé Congrégation pour la doctrine de la foi.



Les premiers statuts de l'Inquisition, promulgués en 1484, ont été plusieurs fois modifiés au cours du XVIe siècle. À sa tête, il y a un grand inquisiteur, ou inquisiteur général, désigné par le roi, auquel il doit rendre des comptes. Le grand inquisiteur est secondé par un Conseil qu'il préside, le Consejo supremo de la Santa Inquisición, ou Suprema. Celui-ci compte sept membres, théologiens et juristes, dont certains peuvent être des laïcs. Ses liens sont nombreux avec le Conseil de Castille, auquel appartiennent certains de ses membres. Des rapporteurs, des secrétaires, des procureurs, des huissiers et des alguaciles («gardes») complètent le personnel. L'Inquisition compte en outre un nombre indéterminé de «familiers», mouchards et serviteurs volontaires du Saint-Office. L'Inquisition castillane a été organisée dans tous les territoires soumis à l'autorité des Habsbourg de Madrid: dans les colonies d'Amérique, en Sicile, en Sardaigne, aux Pays-Bas comme au Portugal, dont Philippe II devient roi en 1580. Il y a quatorze tribunaux en Espagne, deux en Italie, trois en Amérique, ainsi qu'au Portugal, chacun ayant son propre personnel.



La procédure de l'Inquisition castillane est sensiblement la même que celle de l'Inquisition médiévale: arrestation du suspect après dénonciation (l'autodénonciation est possible), recherche des aveux, éventuellement obtenus par la torture, audition des témoins et prononcé des peines en public. Les sentences des tribunaux du Saint-Office sont sans appel. Les peines sont variées et exécutées dans un souci d'exemplarité au cours de cérémonies publiques et fastueuses: les autos de fe («actes [jugements sur les matières] de foi»). On ne connaît pas le nombre exact des victimes de l'Inquisition, mais il fut considérable.



Une empreinte durable

L'introduction de l'Inquisition en Catalogne a donné lieu à de très fortes oppositions, car les communautés juives jouaient un rôle très important dans les structures socio-économiques du pays. Mais, après la prise de Grenade, en 1492, les juifs qui refusent le baptême sont contraints à l'exil. Un grand nombre trouve refuge au Portugal ou dans l'Empire ottoman. Pour leur part, les moriscos ont été systématiquement baptisés, sur ordre du cardinal Jiménez de Cisneros, mais presque tous sont restés musulmans jusqu'à leur expulsion, en 1609, sous le règne de Philippe III.



L'Inquisition castillane a eu à connaître de tout ce qui menaçait les «bons chrétiens»: les hérésies, l'absence de pureza de sangre («pureté de sang»), qui conférait la mancha (la «tache») à tous ceux qui «avaient du sang juif ou musulman» dans les veines et leur interdisait du même coup l'accès aux fonctions officielles, mais également toutes les formes de pensée qui n'étaient pas en conformité avec les thèses officielles, tant sur le plan spirituel que sur le plan politique. C'est ainsi qu'ont été traduits devant les tribunaux inquisitoriaux des humanistes, des adeptes de la Réforme, des alumbrados («illuminés»), des mystiques, dont quelques-uns, comme Thérèse d'Ávila ou Jean de la Croix, devaient finalement être canonisés, des opposants politiques, tel le secrétaire de Philippe II, l'Aragonais Antonio Pérez, ou les insurgés des Pays-Bas.



L'Inquisition a donc empêché la diffusion de la Réforme dans la péninsule Ibérique et limité les effets de la vague européenne de sorcellerie des XVIe et XVIIe siècles. Par ailleurs, en soumettant à une surveillance permanente toute expression d'une pensée originale, tenue a priori pour subversive, elle a réduit presque à néant la production d'œuvres théologiques ou philosophiques dans le monde hispanique et fait peser une lourde chape de plomb sur les intellectuels. Seule la littérature échappe, dans une certaine mesure, à cet étouffement, mais les grandes œuvres, théâtrales surtout, du Siècle d'or sont d'inspiration religieuse (autos sacramentales), tandis que la littérature picaresque naissante, coupable d'irrévérence, est poursuivie et inscrite au catalogue des œuvres interdites aux bons chrétiens, créé en 1559, qui renforce les prohibitions de l'Index romain. L'Inquisition a, enfin, considérablement entravé la diffusion dans le monde hispanique de la philosophie des Lumières.



Une suppression tardive

Dès la seconde moitié du XVIIIe siècle, pourtant, sous le règne de Charles III, quelques voix se sont élevées contre l'institution inquisitoriale. D'autres ont utilisé l'Inquisition à des fins apparemment paradoxales: ainsi le ministre portugais Pombal s'en est-il servi contre la Compagnie de Jésus. L'Inquisition, dans la mesure où elle ne ménageait pas les puissants (noblesse et haut clergé), a joui d'une popularité certaine parmi bien des petites gens, qui ont combattu en sa faveur pendant les guerres napoléoniennes et lors de son abolition, en 1808, par Joseph Bonaparte. Les libéraux des Cortes de Cadix ont confirmé son abolition le 22 janvier 1813, mais dès son retour, en 1814, Ferdinand VII l'a rétablie. Supprimée de nouveau en 1820, lors du pronunciamiento de Riego, elle a été restaurée en 1823, lorsque l'expédition française des Cent Mille Fils de Saint Louis a remis le souverain sur son trône. Elle ne sera définitivement abolie, par la régente Marie-Christine, qu'après la mort, en 1833, de Ferdinand VII.



En 1542, le pape Paul III avait remplacé la congrégation de l'Inquisition par la congrégation du Saint-Office, qui fonctionna jusqu'en 1967.
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Message par  Jeu 24 Juin 2004 - 22:56

Danke! Merci d'avoir satisfait ma soif de connaissance.
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