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La démocratie athénienne

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La démocratie athénienne Empty La démocratie athénienne

Message par  Dim 7 Jan 2007 - 18:02

Petit article que j'ai écrit pour le compte du site http://www.les-identitaires.ch sur la démocratie athénienne. Vous pardonnerez le style quelque peu lourd, mais j'étais assez fatigué et occupé lorsque je l'ai rédigé. Je le poste ici car je pense que cela peut intéresser quelques-uns.



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La définition la plus couramment utilisée pour définir ce qu’est la démocratie est : « le gouvernement par le peuple ». Cette définition est incomplète si l’on n’a pas une idée claire de la signification du mot « peuple ». Dans la Grèce antique, y compris à Athènes, était considéré comme faisant partie du peuple celui qui était citoyen. Or, ce statut n’était pas donné au premier venu, même s’il habitait la cité depuis plusieurs années. Pour être citoyen, il fallait être descendant de père et parfois aussi de mère grecs, eux-mêmes natifs de la cité dans laquelle ils résidaient. Le mot « peuple » a donc un impératif ethnique chez les Grecs. A partir de là, on peut tout à fait interpréter ce statut de citoyen comme le fait d’appartenir à une communauté bien définie, et non comme un simple statut administratif permettant d’avoir quelques avantages en plus, comme un droit de vote devenu insignifiant au vu du système dans lequel il s’applique.



La cité d’Athènes, comme toutes celles de Grèce, ne faisait pas exception à cette règle. Elle ne fut toutefois pas une démocratie dès son émergence, elle a été tout d’abord gouvernée par des rois durant une courte période (fin 9e siècle av. JC). On assista ensuite à un gouvernement perpétuel d’archontes(1) jusqu’en 753 av. JC, date à partir de laquelle ceux-ci furent élus dans l’aristocratie pour dix ans, puis pour une année seulement (683 av. JC). Après 487 av. JC, ils furent tirés au sort. Au nombre de trois, chacun s’occupait de domaines bien précis : l’archonte éponyme avait en charge l’administration civile et la juridiction publique, il était aussi le chef nominal de la cité jusqu’en 487 av. JC. L’archonte-roi occupait les fonctions spirituelles des anciens rois, à savoir la responsabilité des cérémonies religieuses, ainsi que des affaires d’homicides et des crimes d’impiété. Le polémarque était quant à lui commandant en chef de l’armée, mais il perdit se pouvoir au profit des stratèges(2) depuis la désignation des archontes par tirage au sort.



La démocratie athénienne n’est pas née en un jour, mais s’est crée au fil d’une série de réformes entre 621 et 507 av. JC. Il y eut tout d’abord la réforme de Dracon qui écrivit un code très sévère (d’où l’adjectif « draconien ») affirmant pour la première fois l'autorité de l'État au-dessus des parentés dans le domaine de la justice, et basé sur la responsabilité individuelle. Il permit aussi aux citoyens de procéder à des recours contre l’Aréopage, conseil où siégeaient les anciens archontes (toujours tirés au sort parmi les riches nobles), institution qui avait pour but de conserver les lois, impliquant à cette fin un très grand pouvoir juridique.



Vinrent ensuite en 593 av. JC les réformes de Solon abolissant l’esclavage pour cause de dettes, créant un tribunal populaire, l’Eliée, dont les participants sont tirés au sort parmi les citoyens. Elles donnent aussi un rôle militaire à chaque classe sociale d’Athéniens, permettant ainsi une plus forte cohésion entre eux au sein de la cité, et instaure une assemblée à laquelle participent une nouvelle fois toutes les dites classes sociales : la Boulê(3), composée de 400 citoyens (100 de chaque classe). La plus importante partie du pouvoir reste quant à elle aux mains de l’Aréopage.



La cité connut une brève période de tyrannie (au sens grec du terme)(4) mise en place par Pisistrate en 546 av. JC. Il a notamment consolidé le statut des paysans, qui avant pouvaient se voir dépossédés de leurs terres pour cause de dettes. Cette réforme est d’une grande importance puisqu’elle garantit l’attachement à la terre (considérée comme une grande richesse de la cité), donc par conséquent au territoire, à la cité, à la communauté ainsi qu’à tous les droits et devoirs qui en découlent. Sous son règne Athènes prospéra. Ses deux descendants, Hipparque et Hippias, furent beaucoup plus autoritaires et par conséquent n’eurent pas sa popularité. Le premier fut assassiné en 514 av. JC, le second vit son régime renversé quelques années après et fut ensuite exilé.



L’avènement de la démocratie athénienne peut être situé en 507 av. JC, avec la réforme de Clisthène. Après la chute d’Hippias et pour éviter un retour à l’oligarchie, il donna à tous les citoyens les mêmes droits et devoirs. C’est à ce moment là qu’apparaît l’Ecclésia, assemblée regroupant tous les citoyens et chargée de faire et de voter des propositions de lois. La Boulê, qui passe de 400 membres à 500, a désormais pour rôle de recueillir les propositions de l’assemblée précédemment citée, et de s’occuper de l’agenda des discussions et votes. Le pouvoir exécutif est exercé en collégialité par des magistrats, 10 stratèges élus et désormais, 10 archontes tirés au sort dans l’Ecclésia, qui devaient rendre des comptes aux citoyens à la fin de leur mandat. On évitait ainsi toute dérive tyrannique. De plus, les futurs magistrats devaient passer un examen préliminaire, la dokimasia, afin de vérifier leur aptitude à occuper ce poste et de limiter certains effets malheureux du tirage au sort. Cet examen se déroulait devant l’Ecclésia ou l’Héliée, ou devant les deux. L’Aréopage continua d’avoir une influence prépondérante jusqu’en 462 av. JC, où elle ne s’occupa plus que des affaires sacrées et des crimes de sang. Le territoire d’Athènes est désormais divisé en dix tribus chacune composée de trois Trittyes regroupant elles-mêmes un certain nombre de dèmes (il y avait environ une centaine de dèmes sur le territoire athénien), équivalents de nos communes actuelles. Chaque tribu fournissait 50 citoyens âgés de 30 ans ou plus pour la Boulê, qui pouvait dés lors être considérée comme le « guide » de l’Ecclésia.



Jusqu’en 451 av. JC, il suffisait d’accomplir son service militaire et d’être né de père athénien pour obtenir la citoyenneté. Périclès(5) promulgua une condition de plus à l’accession à la citoyenneté : il faut être né de père et de mère athéniens. Il mis aussi en place le misthos, indemnisation de présence à la Boulê et à l’Héliée, afin d’inciter les plus pauvres et les plus distants de la ville à participer à la vie politique de la cité. A cette époque, l’accession à la citoyenneté pour les non-athéniens était toutefois possible, mais il fallait que le prétendant ait accompli de grands services pour la cité et que son cas soit débattu par l’Ecclésia. Parmi ces rares naturalisations, beaucoup étaient le cas d’individus de souche grecque. Les non-citoyens étaient appelés métèques et étaient principalement des commerçants et artisans. Ils n’avaient aucun droits civiques et ne possédaient pas de terres, juste des biens immobiliers. Ils étaient imposés moyennement mais devaient aussi payer un impôt spécial en plus, ils n’avaient pas non plus le droit d’épouser un Athénien ou une Athénienne. Concernant les citoyens, les plus pauvres ne payaient pas d’impôts et accomplissaient leur service militaire soit comme rameur dans les galères (cela n’avait rien à voir avec les esclaves dans les galères romaines), ou dans les unités légères d’infanterie. Les plus riches étaient lourdement imposés et étaient soit à la tête d’un navire qu’ils finançaient eux-mêmes, soit combattaient parfois sur des chars. Quant aux classes moyennes, elles étaient le plus souvent incorporées dans les hoplites(6) et payaient un impôt moyen. Enfin, au plus bas de l’échelle sociale, les esclaves se chargeaient des tâches délaissées par les citoyens pour se consacrer aux activités politiques et guerrières. Il pouvait arriver qu’un citoyen soit exilé car considéré comme nocif pour la cité. Dans ce cas, il gardait tout de même certains droits, comme par exemple celui de continuer à percevoir les revenus de sa terre.



Ce système eu toutefois plusieurs critiques notamment à cause du tirage au sort des archontes et des participants à la Boulê. Malgré certaines mesures comme le jugement d’une magistrature par l’Ecclésia ou la dokimasia, un certain risque d’incompétence planait encore sur ces conseils. On a aussi reproché à la démocratie athénienne d’être une porte ouverte à la démagogie : le règne des flatteurs. Selon Aristote(7), les pauvres, de plus en plus impliqués dans l’exercice politique, étaient plus sensibles aux arguments des démagogues, donc prenaient parfois des décisions irréfléchies. Platon(8) quant à lui prônait que l’accès aux conseils soit uniquement ouvert aux philosophes.



Derrière un système politique tel que celui-ci se cache quelque chose de bien plus profond qu’une simple administration de cité. Il faut tout d’abord relever que la démocratie athénienne n’est pas née d’une révolution ayant pour but d’imposer une quelconque idéologie nouvelle (comme la révolution française et les Droits de l’Homme par exemple), mais elle résulte de l’engagement de politiciens voulant la perpétuation de leur cité. Comme nous l’avons vu maintes fois, cette cité est synonyme d’enracinement et surtout d’identité. Chez tous les Grecs, on est un individu à part entière certes, on a un nom, des droits et devoirs, mais on fait aussi partie de la cité, partie intégrante de notre être. La cité est un espace exploité, cultivé, protecteur, mais elle garantit aussi la liberté de tout citoyen y étant rattaché, puisqu’il obéit non pas à un autre individu, mais à des lois. Lois auxquelles il a participé par le biais de sa participation à la vie politique. C’est le concept de l’Homme libre et enraciné, tel qu’il a existé chez tous les peuples européens : grecs, romains, celtes, germains, etc. Il est vrai qu’à Sparte par exemple, le système différait beaucoup sur certains points mais l’attachement à la dite liberté restait la même. Hippocrate(9) opposait par ailleurs deux types d’êtres humains, notamment sur la question de liberté : d’un côté l’Homme que l’on pourrait qualifier aujourd’hui d’Européen(10), de l’autre l’Asiatique. Dans la Grèce antique, on entendait par « asiatique » les populations d’Asie mineure, notamment les habitants de l’empire perse contre lequel ils durent maintes fois se défendre (durant les Guerres Médiques notamment), ces conflits représentant moins une simple dispute territoriale qu’un véritable choc de civilisations. Les Perses obéissaient à un seul individu dont l’autorité était absolue et émanait du divin, contrairement aux Grecs. Du fait de la nature communautaire de la cité, on peut aisément comprendre le fait que les citoyens forment un « démos » (peuple en grec) soudé par quelque chose qui transcende toute idéologie : la patrie charnelle.



Un autre aspect intéressant est que la citoyenneté n’est pas un don, elle se mérite. Pour avoir les droits, on doit aussi remplir les devoirs. La liberté s’acquiert et se défend, elle ne vient pas dans un paquet-surprise emballé par des droits prétendument fondamentaux. En Grèce comme partout en Europe, avait les droits politiques qui portait l’épée : « qui porte l’épée détient la liberté ». C’est une des grandes différences entre la civilisation Hellène(11) et l’empire perse : d’un côté des hommes libres se battaient, de l’autre des esclaves poussés au front par les fouets de leur maîtres. On pourrait maintenant critiquer le fait que les femmes ne prenaient pas part à la vie politique. Bien que cela soit vrai, elles avaient par contre une place prépondérante en matière de spiritualité, qui était sur pied d’égalité avec l’activité politique. On peut citer comme exemple la déesse d’Athènes, Athéna, qui représentait l’alliance de la force et de l’intelligence, ou encore la pythie, oracle de Delphes.



Au niveau des institutions, nous pouvons aussi observer certaines similitudes, notamment avec notre système suisse. La démocratie athénienne est un pur exemple de démocratie directe. Même si les grandes assemblées de citoyens ne sont plus de rigueur dans notre pays, à l’exception de quelques landsgemeinde(12), il nous est toujours possible en tant que citoyen de proposer des lois par le biais d’initiatives et de référendums. La Boulê peut nous faire penser à notre conseil des Etats concernant la proportion égale de représentants de chaque région (tribu ou canton) qui y siègent. Mais ce qu’il y a de plus important dans ce système est une séparation des pouvoirs dont on attribue parfois un peu trop vite l’origine au siècle des lumières (18e siècle ap. JC) et de ce qui s’en suivit.



Donc il y a, en plus d’une partie de notre héritage culturel que nous devons aux Grecs et qui a façonné notre histoire, un héritage politique, qui se mêle par ailleurs au premier cité. Même si le contexte ne se prête plus pour une telle organisation politique et sociale, nous pouvons toujours nous inspirer de ses principes, constitutifs en partie de l’esprit européen, de notre univers mental. Tant que nous savons d’où nous venons, nous savons qui nous sommes et où nous allons.





[size=117](1) Titulaires des charges les plus élevées, ils avaient d’importantes fonctions juridiques et politiques



(2) Officiers militaires supérieurs au nombre de dix, ils étaient élus chaque année par l’assemblée des citoyens (Ecclésia) et pouvaient être continuellement réélus.



(3) Certaines autres sources révèlent que ce conseil existait déjà auparavant, Solon lui ayant donné un plus grand pouvoir. Il est toutefois impossible aujourd’hui d’en connaître l’importance.



(4) Au sens grec du terme, un tyran était une personne compétente qui reprenait les rênes du pouvoir pour redresser une situation désastreuse.



(5) Périclès : né en 495 et mort en 429 av. JC, il fut le stratège le plus célèbre et important d’Athènes. Il fut élu plusieurs fois.



(6) Hoplites : fantassins lourdement armés, combattant en phalange. Cette unité de combat fut à l’origine de la révolution hoplitique dans plusieurs cités de Grèce, dont Sparte, mais vraissemblablement pas Athènes.



(7) Aristote : philosophe grec né en 384 et mort en 322 av. JC. Il a grandement influencé la structure mentale et la philosophie européenne à travers les âges. Il a notamment rédigé la constitution d’Athènes.



(8) Platon : philosophe grec né en 427 et mort en 348 av. JC. Il fut disciple de Socrate et est l’auteur de la fameuse allégorie du « mythe de la caverne ».



(9) Hippocrate : médecin grec très célèbre né aux alentours de 460 et mort vers 370 av. JC. Il est considéré comme étant le père de la médecine et comme le premier médecin européen à avoir sépare la pratique médicale d’un contexte religieux.



(10) Les Grecs de toutes les cités avaient conscience de faire partie d’une seule et même civilisation. Toutefois, ils avaient aussi consciences de certaines origines nordiques (ex : les Pélasges, qui auraient occupé la Grèce avant l’arrivée des Achéens durant le IIe millénaire av. JC).



(11) On appelle aussi les citoyens de la Grèce antique les Hellènes.



(12) Landsgemeinde : assemblée de citoyens encore en vigueur dans certaines communes et cantons discutant de lois et votant à main levée.[/size]




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