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La révolution française

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Message par Necrowarrior Lun 27 Sep 2004 - 23:30

Je crois qu'il y a beaucoup à dire sur la révolution française (j'espère que c'est la bonne section), pour lancer le sujet, voici ce que nous conte l'éducation nationale...



http://perso.club-internet.fr/erra/COURS-REVOLUTION.html
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Message par Necrowarrior Lun 27 Sep 2004 - 23:33

et voilà une autre vision des choses, plus détaillée, moins "politiquement correcte"...


La révolution française



1789



Au printemps de 1789, dans la monarchie française, tout, usages, lois, principe de gouvernement, est-il gangrené comme on l’a prétendu et condamné à périr ? Non, cela n’est pas la vérité. Tout dans le régime n’est pas injuste, décrépit, détestable. Pas plus que tout n’y est sage, équilibré, satisfaisant. C’est une grande machine encore saine où quelques rouages, parmi les plus importants, ont vieilli, sont usés. Elle grince, demande une main experte qui la répare, la transforme selon l’évolution des moeurs.



Il suffirait d’un roi ferme, à son défaut d’un ministre habile. La France qui si souvent fit son miracle, ne saura pas le faire cette fois. Faute d’avoir produit à temps un homme, ou des hommes, une tradition excellente s’écroulera, des ruisseaux de sang rougiront les rues, le pays entier semblera se dissoudre, jusqu’au jour où, par l’énergie d’un soldat, s’établira un ordre neuf sur les assises que la tempête n’aura pu arracher du sol.





Une nation est en péril dès qu’elle n’est plus guidée par son élite. Or, depuis près d’un siècle, la véritable élite de la France, ce ne sont plus la noblesse, le clergé, c’est la bourgeoisie, et la bourgeoisie n’a point de part suffisante dans l’Etat, ne joue pas le rôle actif auquel son intelligence, sa culture lui donnerait droit. La monarchie a commis l’erreur essentielle, sous Louis XIV, de se cristalliser dans un état immuable tandis qu’autour d’elle le monde continuerait à vivre, c’est-à-dire de changer. Claquemurée à Versailles, elle a domestiqué l’aristocratie et annexé la religion. Le roi a perdu ainsi ses intermédiaires naturels avec le peuple. Depuis, en présence de ce peuple, il se trouve seul, lointain, sans voix. Comme on attend tout de lui, on le rend responsable de tout.







Or le pays souffre de vices nombreux et d’abord d’un désordre qui tient à sa formation même, de pièce à morceau. Point de système organique. La France demeure un tapis bariolé où saillent les coutures. Provinces, villes, métiers ont leur statut propre, leurs immunités. « On change de lois, raillait Voltaire, en changeant de chevaux de poste. » La richesse est mal distribuée. La justice est compliquée et dure aux petits. Les emplois ne sont pas donnés au mérite, mais à la naissance ou à la brique. Partout l’arbitraire et l’inégalité.



Le peuple est-il malheureux ? Les paysans - et ce sont les quatre-cinquièmes des Français - vivent plus à l’aise qu’en tout autre lieu d’Europe. Plus gaîment aussi. Là-dessus, nous avons le témoignage de dix voyageurs étrangers. Mais il paient trop d’impôts, trop mal perçus, ne possèdent pas en propre assez de terre et très souvent, par la pénuries des moyens de transports, comme par une mauvaise répartition des subsistances, souffrent de la disette. Les ouvriers, pour la plupart encadrés dans des corporations rigoureuses, ne sortent que par chance singulière de la pauvreté.





Cependant le royaume est en plein essor économique. L’exportation grandit d’année en année. Le pays commence d’utiliser ses ressources minières, sa capacité industrielle. La main-d’œuvre abonde, d’une qualité, d’une conscience sans égale. Avec ses vingt-cinq millions d’habitants, son sol fertile, sa natalité drue, la France est le plus riche et le plus vigoureux Etat du continent.



Les réformes dont elle éprouve le besoin - et surtout une participation des citoyens au gouvernement - l’opinion des classes instruites les réclame depuis cinquante ans, à la suite des économistes, des écrivains, Montesquieu, Voltaire, Rousseau, Raynal, les Encyclopédistes, beaucoup d’autres encore, qui ont montré les tares et les dangers d’un pouvoir sans contrôle. A leurs voix s’est produit un profond mouvement des âmes. La France n’est plus contente seulement d’obéir ;
ayant appris, elle réfléchit et raisonne. Le menu peuple même , qui ne connaît pas les novateurs, respire l’atmosphère qu’ils ont créée et, sans penser aux conséquences, aspire à un changement.





Le principe monarchique n’est en rien ni par personne mis en cause. La royauté demeure révérée de tous, en elle s’incarnent l’orgueil et la confiance du pays. Derrière elle se tend une magnifique tapisserie de gloire. Si la dynastie n’a pas fait à elle seule la France, elle a été, pendant huit cents ans, aidée par ses légistes et ses soldats, le principal ouvrier de son rassemblement. Elle reste l’axe, le pivot du pays. On ne lui demande que d’évoluer avec « le progrès des lumières », de quitter le plan extra-humain où l’on l’a placé Louis XIV pour revenir aux réalités et présider au remaniement de l’Etat.



Le despotisme de Louis XIV avait fait éclater dès sa mort un mouvement de réaction aristocratique d’où n’ont pas tardé à sortir un grand nombre d’organisations occultes, cénacles, cercles de lecture, « sociétés de pensées ». Sous la Régence, la haute noblesse française, appuyée sur ses relations cosmopolites, s’est campée dans les salons, en face de la royauté. Le « monde », où paraissent les étrangers de distinction, où s’échangent les nouvelles, où se font les réputations d’écrivains, commence d’attaquer le régime du bon plaisir.





Des théoriciens comme Boulainvilliers accusent la monarchie d’avoir usurpé ses pouvoirs et d’avoir faussé la destinée du pays. La francmaçonnerie, née en Angleterre, se répand en France, sous le patronage de grands seigneurs comme le comte de Clermont, le duc d’Antin. Elle y acclimate peu à peu les idées libérales d’outre-Manche. Déiste dans son principe, elle trouve de nombreux adeptes dans le clergé. La bourgeoisie y entre à flots, heureuse d’y coudoyer des La Rochefoucauld, des Noailles, des Montmorency, des Ségur... Les rangs sociaux y étant confondus, un mince avocat y traite en « frère » un duc et pair. Il en naît un penchant de plus, vif, contagieux, vers l’égalité. L’engouement est irrésistible. Plus de six cents loges fonctionnent en France, dont soixante-cinq à Paris. Soixante-neuf se sont constituées dans les régiments.





Très répandue dans la Nouvelle-Angleterre, la maçonnerie y est depuis longtemps le siège de la résistance des colons contre la métropole. Franklin, Washington, Warren en sont les chefs. Déguisés en Indiens, ce sont les maçons de Boston qui jettent à la mer les caisses de thé que les Anglais voulaient frapper de leur taxes. La guerre de l’Indépendance sort de ce coup de main pittoresque. La maçonnerie lui fournit ses cadres politiques et militaires. Chaque corps insurgé a sa loge. Quand le roi de France et Vergennes décident de se porter au secours de la rébellion américaine, à l’heure de son plus grand péril, s’ils cherchent d’abord une revanche aux désastres de la guerre de Sept ans, c’est aussi pour une part qu’ils cèdent à l’opinion, remuée par l’ambassade de Benjamin Franklin.





Cette rébellion, grâce à nous heureuse, de sujets contre leur souverain retentit dans tout le royaume. On y reconnaît une victoire de la liberté sur la tyrannie, de la pensée moderne contre l’obscurantisme. Pour la franc-maçonnerie, c’est un triomphe. Elle voit grandir sans cesse le nombre de ses adhérents. Sans doute cette congrégation immense ne vise-t-elle pas à détruire la monarchie. Elle veut la pénétrer par l’intérieur, sans briser son apparence, en faire une royauté constitutionnelle, avec ou sans Louis XVI, et la dissocier de sa base antique, la religion. D’ailleurs elle est largement dépassée par des mouvements mystiques qui aspirent à une subversion totale.





L’illuminisme, créé par le Bavarois Weishaupt, a étendu son réseau sur l’Allemagne. Sous le couvert de rites étranges, il a pour objet précis la destruction du catholicisme, de la monarchie, de la propriété, de la nationalité, et le retour de l’homme à l’état de nature. Il entretient des affiliés dans toutes les cours, des adeptes dans tous les pays. En France, Cagliostro a été son principal agent. Le martinisme, fondé par un Français, Saint-Martin, dit le « philosophe inconnu », prêche l’attraction des âmes et le gouvernement des hommes par l’amour. Le « ternaire sacré » : Liberté, égalité, fraternité, doit dominer le monde. Entre tant d’autres, ces deux groupements, par leur travail souterrain, ébranlent profondément l’ordre social.





Au reste, on n’en saurait douter, comme à l’époque de la Réforme, un courant général d’idées, une aspiration commune vers un grand changement, pour tout dire un esprit de révolution, travaillent l’Europe entière. En 1785, de graves troubles bouleversent la Hollande;
le stathouder Guillaume V est renversé. La même année, puis de nouveau en 1787, les Belges se soulèvent contre le « despotisme éclairé » de Joseph II qui, de surcroît, doit réprimer une insurrection en Hongrie. Mais ce sont là des mouvements réduits, sans résonance forte. Bien que le peuple y soit mieux traité et plus civilisé qu’ailleurs, c’est en France que la vraie révolution doit se produire, parce qu’elle ne rencontre nulle part un terrain aussi bien préparé, un gouvernement aussi médiocre, des effusions d’âme aussi vives, d’aussi puissantes complicités.





Le duc d’Orléans, depuis 1772 (époque où il était encore duc de Chartres), exerce la fonction de grand-maître de la franc-maçonnerie. Il y a trouvé, en attendant mieux, une manière de trône secret, entouré de caudataires et de clients.



Ce prince, le plus riche du royaume, a eu, jeune, de la beauté, de la grâce, qu’une vie de crapule a flétries. A quarante ans il n’est plus qu’un grand gaillard haut en couleur, aux traits épais, qui mène un train audacieux entre ses favoris et ses maîtresses, tantôt en France, tantôt en Angleterre, où il est devenu l’intime du prince de Galles dont les vices épousent les siens.





Prodigue avec des traits d’avarice, lâche sous des airs fanfarons, très vaniteux, il a eu son instant d’éclat au combat d’Ouessant, pendant la guerre américaine. Marie-Antoinette, à qui il a déplu, l’a sottement dénigré, tourné en dérision ;
il lui a juré une haine de sang. Dans son Palais-Royal où déambulent, mêlés aux badauds, nombre d’hommes prêts à tous risques, il a installé le poste de commandement de la bataille préparé contre le régime. En liaison ouverte avec le cabinet de Saint-James, il se pose en partisan d’une royauté constitutionnelle et subventionne les organisations hostiles à la monarchie, les clubs qui commencent à se former.



« Le temps est arrivé, dit l’avocat Nicolas Bergasse, où la France a besoin d’une révolution. Mais opérer ouvertement c’est vouloir échouer ;
il faut pour réussir s’envelopper de mystère. » Chez Bergasse, dans la maison du financier allemand Kornmann, se réunit l’une de ces sociétés boute-feu. Un autre groupe, assemblé par les frères Lameth, dispose d’une bande d’émeutiers et de coupes-jarrets, le Sabbat, qui chaque jour vient aux ordres pour les besognes à accomplir. Le duc d’Orléans est derrière la plupart de ces équipes de guerre civile.





Il est aussi derrière les gazetiers qui, à l’envie, lancent leurs brûlots contre le navire royal. Ils sont innombrables. Il n’est pas de jour où quelques puante calomnie, quelque ordure divertissante, quelque saillie pestilentielle, peu à peu se rejoignant, n’amassent autour de la monarchie isolée sur son tertre de Versailles un cloaque de boue et de poison.



Isolée, la monarchie l’était déjà, et de son propre choix, mais à présent on s’ingénie à l’isoler davantage. A part les amis privés et quelques anciens serviteurs, d’esprit elle est abandonnée par la plupart des grands nobles qui, à l’imitation d’ailleurs du comte de Provence et du comte d’Artois, tout en empochant leurs pensions, conspirent avec l’orage qu’ils sentent approcher. Soutiens naturels du trône, après l’avoir miné par leurs exigences, ils trahissent sa cause et se font - certains par générosité de cœur, goût des idées nouvelles, d’autres par désir de popularité, par envie, le reste par entraînement ou par peur - les huissiers et les porte-queue de la Révolution qui vient.


la suite: http://www.diagnopsy.com/Revolution/1789.htm



voilà, qu'en pensez-vous, qu'est-ce que ça vous inspire? Pensez-vous que le programme de l'éducation nationale comporte encore beaucoup de propagande?
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Message par  Lun 27 Sep 2004 - 23:55

J'ai eu l'occasion d'étudier l'Ancien Régime et la Révolution de Tocqueville. Je vais tâcher de transposer succintement ça ici, son analyse est très intéressante, et recoupe parfois avec ton deuxième texte (ce qui n'est certainement pas un hasard!).
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Message par Baalberith Mar 28 Sep 2004 - 17:14

Attention, les auteurs qui ont écrit sur cette période en France sont pléthores, mais souvent pas neutres (les historiens marxistes ont adoré cette période). Donc il faut se méfier des jugements de +/- contemporains comme Tocqueville ou des historiens postérieurs pourtant grandioses comme FURET (peut-être LE spécialiste de la question) ou SOBOUL. Le mieux est peut-être de s'intéresser à des historiens plus récents et donc moins engagés directement ou non (ex: OZOUF Mona, qui s'est surtout intéressé à la Gironde).

Pour la question un excellent ouvrage facile d'accès, didactique et "neutre": J-P JESSENNE, Révolution et Empire (1783-1815),collection Hachette supérieur.
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Message par  Mer 29 Sep 2004 - 15:59

Il me semble que c'est elle Mona OZOUF qui a parlé du religieux qui s'est emparé de la vague révolutionnaire. Elle faisait le parallèle avec une nouvelle religion qui s'instaurait, une religion "civique" il me semble préfigurant par là même le positivisme.



Tout ça pour dire que pour parler de la révolution il faut un angle d'attaque je pense car le sujet est tellement vaste.
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Message par Baalberith Jeu 30 Sep 2004 - 0:36

C'est surtout que le sujet est très propice à l'exaltation d'idéaux et de valeurs, donc c'est difficile (même pour l'historien consciencieux), de ne pas tomber dans quelques dérives s'il désire approfondir le thème et l'analyse...
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Message par  Sam 16 Oct 2004 - 2:09

Alexis de Tocqueville - L'Ancien Régime et la Révolution



Le livre I ne fait qu'entrouvrir plusieurs perspectives;
la Révolution, dont le caractère extra-ordinaire échappe alors à beaucoup, n'a pas pour objet de changer un gouvernement mais d'abolir la forme ancienne de la société;
elle doit en conséquence s'attaquer à tous les pouvoirs établis, d'où une impression d'anarchie. C'est pourquoi, par exemple, elle attaque la religion catholique non par irreligiosité (contrairement à ce que pense J. de Maistre: pour lui, « la Révolution a un caractère satanique ») mais parce qu'elle est une institution puissante. La Révolution transcende les frontières acquérant de ce fait un caractère messianique, universel. La Révolution en remontant toujours à ce qu'il y avait de moins particulier (cf. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen) a pu se rendre compréhensible et imitable. En outre, grâce à la méthode comparative, Tocqueville conclut que les institutions politiques de la France, de l'Allemagne et de la Grande - Bretagne présentent une importante similitude;
l'«ancienne constitution de l'Europe s'est partout affaiblie et délabrée.



Dans ce cas, quel est donc l'objet véritable de la Révolution, son caractère propre ? La Révolution Française ne doit pas apparaître comme une méthodisation de l'anarchie mais comme l'abolition des institutions féodales pour y substituer un ordre social et politique plus uniforme et plus simple ayant l'égalité des conditions pour bases. Cette Révolution a fondé une puissance nouvelle, un pouvoir central immense. Sans la Révolution Française, le « vieil édifice social » se serait quand même écroulé.



Dans le livre II, se dégage progressivement une sociologie de l'Ancien Régime. En comparant les situations allemandes et françaises à la fin du XVIII ème siècle, il apparaît que la Révolution, dont l'objet propre était d'abolir le reste d'institutions féodales, a éclaté là où leur joug paraissait le moins insupportable. La disparition du système politique de la féodalité à cette époque en France était réelle. Les paysans, émancipés du servage, étaient souvent propriétaires du sol;
ils n'en haïssaient que davantage les droits féodaux résiduels. La féodalité suscitait beaucoup de haine car elle était demeurée la plus grande des institutions civiles tout en cessant d'être une institution politique: elle était inutile du fait de l'absolutisme mais les privilèges demeuraient.



Dans les chapitres 2 à 7, la centralisation administrative est prise comme une donnée fondamentale de l'Histoire de France: l'absolutisme qui produit cette centralisation administrative peut être une des causes de la singularité française. L'absolutisme est alors cet agent de subversion qui favorise l'émergence del'Etat et la décomposition de la société ancienne. Ainsi le Conseil du Roi, « corps administratif central du royaume », est-il omnipotent;
cette tutelle administrative est présente à tous les échelons et empêche toute initiative. Le gouvernement de l'Ancien Régime a de cette manière laissé aux anciens pouvoirs, c'est-à-dire la noblesse, leurs honneurs mais les a dépossédés de leur autorité. L'administration opprime moins mais conduit plus;
toutefois les réformes les plus nécessaires ne sont pas entreprises par manque de persévérance. La loi est déconsidérée car l'Ancien Régime se définit par des règles rigides mais par une pratique molle. La centralisation administrative et l'omnipotence de Paris, son hypertrophie, sont à mettre parmi les causes principales de la chute de la monarchie.



Mais les deux chapitres centraux de l'Ancien Régime et la Révolution sont probablement les chapitres 8 et 9 du livre II dans lesquels sont analysés la nature du nouvel état social né avec, ou plutôt de la monarchie administrative. Au cours du XVIII ème siècle, les nobles et les bourgeois se ressemblent de plus en plus et la diminution de l'autonomie des provinces a contribué à rendre l'unité de la nation effective tandis que la législation poursuit son oeuvre uniformisatrice. Mais le bourgeois et le noble, plus semblables désormais, s'étaient dans le même temps isolés l'un de l'autre. Au XIV ème siècle plus qu'au XVIII ème, la bourgeoisie occupe dans la société politique une place importante. Au cours du XVIII ème siècle, la barrière qui séparait la noblesse des autres classes était assez aisément franchissable mais cette barrière demeurait extrêmement visible, donc source de conflits. En outre, la multiplication des différentes corporations a mené à un « individualisme collectif » où la notion de bien commun n'occupe qu'une place réduite. Tocqueville considère que la « division des classes » fut le crime de l'Ancien Régime;
l'inégalité devant l'impôt, par exemple, sépare les classes et les individus, le régime absolutiste n'hésitant pas à utiliser le système de la vénalité des offices qui accroît la division de la société et l'inefficacité de l'administration.



Toutefois, le maintien d'une liberté singulière sous l'Ancien Régime est incontestable malgré un pouvoir royal étendu et puissant. Aussi l'Eglise et la noblesse peuvent-ils apparaître comme deux contre-poids face à ce pouvoir. Une liberté féconde survivait donc sous la monarchie absolue même si cette liberté était souvent liée à l'idée d'exception et de privilège.



Néanmoins, le XVIII ème est un siècle d'appauvrissement pour la paysannerie. Les paysans à cette époque sont moins opprimés qu'au XIV ème siècle mais ils sont aussi moins secourus;
les paysans du XVIII ème siècle sont libres et propriétaires mais ignorants et souvent plus misérables que les serfs des temps féodaux;
en effet, la prospérité est un effet induit de la liberté et de la solidarité des hommes, ce que l'absolutisme n'assure pas alors. De même, le seigneur n'est plus l'interface privilégiée entre le paysan et le pouvoir central. La « séparation des classes » amène à une situation dangereuse: rien n'arrête le gouvernement mais rien ne l'aide. L'écroulement est alors facile.



Le livre III rassemble les faits particuliers et plus récents qui ont achevé de déterminer la place de la Révolution Française, sa naissance et son caractère. Ainsi, la période qui s'étend de 1750 à 1785 se singularise par une conjoncture idéologique nouvelle, un basculement global du rapport au pouvoir et au savoir tandis que se diffuse partout le sentiment révolutionnaire;
ce sentiment révolutionnaire, ce radicalisme est d'autant plus présent parmi les gens de lettres et les Français que la société est dépossédée de toute initiative;
les philosophes des Lumières réclament la substitution aux coutumes complexes et à la tradition de règles simples et rationnelles, ce qui est légitime.



Mais ces philosophes étant étrangers à toute initiative ou à toute participation dans le domaine du gouvernement, leurs théories et leurs critiques se radicalisent et ne correspondent plus au réel et au possible. Parallèlement à la société réelle se développe une « société imaginaire des idées pures ». Si les Français avaient été plus impliqués dans le gouvernement de leur pays, la « théorie pure »aurait eu moins d'effets néfastes et n'aurait peut-être pas abouti à la tabula rasa révolutionnaire. La rupture de l'opinion publique avec le catholicisme est un des traits profonds de la Révolution Française: en France, l'irreligion est devenue une « passion » générale, ardente, intolérante et oppressive. Ainsi les philosophes des Lumières vont-ils attaquer l'Eglise en tant que pouvoir politique mais aussi parce qu'elle s'appuie sur la tradition, reconnaît une autorité supérieure à la raison individuelle et se fonde sur une hiérarchie. La particularité de la Révolution Française est d'avoir renversé les lois religieuses et les lois civiles en même temps. Mais la liberté politique en France a été détruite par l'Ancien Régime. Les physiocrates, par exemple, réclament l'égalité et sont partisans du laisser-faire, laisser-passer mais ceux-ci n'envisagent pas la liberté politique pourtant primordiale, ce qui est logique puisque celle-ci a depuis longtemps disparu en France: la nation en aperdu le goût et jusqu'à l'idée en en perdant l'usage. En 1789, lorsque les Français sont à nouveau demandeurs de liberté politique, leurs notions en matière de gouvernementsont incompatibles avec des institutions libres. Les tentatives de mêler centralisation administrative et corps législatif prépondérant se soldent par des échecs répétés.



Lors du règne de Louis XVI, un « tressaillement » de la nation est perceptible: la législation est mieux appliquée, l'économie est prospère, les classes supérieures sont plus entreprenantes, le gouvernement est puissant mais plus despotique, ce qui engendre une certaine contestation vis-à-vis des institutions. Les régions les plus riches et les plus « réformées » sont des lieux de vive contestation tandis que la Bretagne ou la Vendée, régions pauvres, vont s'opposer à la Révolution après 1790 et montrer qu'ils sont attachés à l'Ancien Régime. En définitive, les Français semblent avoir trouvé à la fin du XVIII ème siècle leur position d'autant plus insupportable qu'elle devenait meilleure. Par ailleurs, plus 1789 approche et plus vive est la sympathie pour les misères du peuple que ce soit à travers les déclarations du Roi, de l'administration ou des Parlements;
les « classes supérieures éclairées » n'hésitent pas à blâmer publiquement les injustices dont souffre le Tiers-Etat. L'enthousiasme des premiers a sans doute contribué à attiser les revendications du second jusqu'à l'éclatement de la crise en 1789.



Dans une optique à court terme, la réforme administrative de 1787 peut être considérée comme un facteur de l'affaiblissement du pouvoir royal à un moment où il est déjà fortement contesté. En effet, deux ans avant le déclenchement de la Révolution, l'administration publique, cette partie du gouvernement la plus proche du citoyen, renouvelle ses agents et change ses structures;
l'impression de confusion domine alors et fait apparaître la fragilité du cadre administratif d'autant que cette réforme, bien qu'elle mette en place des assemblées municipales, entérine la séparation absolue des trois ordres, ceux-ci restant étrangers à toute administration commune des affaires.



Ce qui demeure le plus frappant dans le phénomène révolutionnaire est le contraste entre la générosité des théories et la brutalité de leur transcription dans les faits. En 1789 existait une volonté vivace d'implanter durablementdes institutions libres et démocratiques. Mais le « débordement de la Révolution Française » a conduit à un retour à la centralisation et au pouvoir absolu. Depuis la Révolution, « la passion de la liberté est intermittente » en France selon Tocqueville. Mais peut-être cette si singulière Révolution Française doit-elle aussi son existence à un « esprit français » que Tocqueville énonce en dernier ressort.
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