Identité individuelle & Identité culturelle

par Sam 9 Jan 2010 - 15:04

Identité individuelle (ou individualité, singularité) et identité culturelle (identité) sont-elles synonymes? Si non, compatibles?

Sont-elles confondues, participant à une même dynamique? Ou alors, sont-elles différentes, complémentaires mais antagonistes?

L'une doit-elle dominer, précéder l'autre? Peut-on voir un rapport de finalité à moyen entre l'une et l'autre? Si oui, laquelle est le moyen, laquelle est la fin?

La première confine-t-elle à l'impossibilité de vivre en société? Ou rend-elle possible un certain type de la seconde?

La seconde conditionne-t-elle entièrement la première et détermine-t-elle le champ d'exploration de la première? Etc.

Comprenons la première comme une identité qu'on se forge soi-même, une identité fabriquée, choisie, découverte, qui est le fruit d'un mouvement d'introversion, d'individuation, de différenciation d'autrui, non par opposition ni inversion de l'identité d'autrui mais, plus indépendamment, par une exploration de soi, en soi-même.

On peut la définir comme le "Caractère de ce qui demeure identique ou égal à soi-même dans le temps (identité personnelle)." (cf. CNRTL @ Identité, entrée C)

Comprenons la seconde comme une identité qui nous est transmise par autrui, par la société, l'éducation, une identité inculquée, qui est le fruit d'un mouvement d'extraversion, d'identification à autrui, à une culture, à des idées, valeurs, sociétés etc.

On peut la définir comme le "Caractère de deux ou plusieurs êtres identiques (identité qualitative, spécifique ou abstraite)." ou le "Caractère de ce qui, sous des dénominations ou des aspects divers, ne fait qu'un ou ne représente qu'une seule et même réalité (identité numérique, concrète). "

(cf. CNTRL @ Identité entrée A et B)

On constate, du reste, les acceptions tout à fait paradoxales de ce mot, la seconde différenciant le sujet, alors que les premières l'identifient à autrui.

Ce sujet m'est inspiré par deux lectures concomitantes.

La première est celle de C.G. Jung, dont un des piliers est la notion d'individuation, c'est-à-dire de quête du Soi, notre centre de gravité psychique, elle passe par un détachement du Moi et de la Persona (masque social, conventions, codes, coutumes) et une prise de conscience de son Ombre (figuration de tout ce que l'on réprouve chez nous-mêmes) par la médiation de l'Animus/Anima.

Notons que, pour cet auteur, c'est par l'individuation que l'individu s'insère mieux dans la société et y est le plus utile.

La seconde est celle du dernier livre de Boyd B. Rice. Ce dernier livre une réflexion surprenante dont je vous livre l'essentiel ci-dessous et qui ne laissera pas indifférent...

"Could it be that the concept of individuality is an empty construct, every bit as meaningless as that of equality? The proof of pudding is, as they say, in the tasting.

Once again, individuality exists as an ideal to be aspired to rather than an actuality to be manifested. It is an abstraction, a symbol.

The concept of individuality is everywhere heralded, yet nowhere to be seen. It is trumpeted the most by those who embody it the least.

If a despotic form of rule wanted to keep its populace in line, only the most foolish regime would tell its people: "Do as we say, or you'll be punished." No, the surest way is to inform them they're free and equal. That they're all unique individuals.

Man's bottom line behaviour and public proclamations are rarely, if ever, one and the same. People desire individuality, but are desperately in need of identity;
and the two are not synonymous. Identity is to be found within the context of the group, never in no man's land, a fortress of solitude, or some remote mountaintop.

Identity resides within group-thought, group-belief, group-fashion. It is to be found in fads, sects, and subcultures. Its uniforms, accoutrements, and accessories can be purchased over the counter, because they are mass produced. Uniqueness plays no role in identity, nor could it. Uniqueness, by its very nature, is its utter antithesis.

So where exactly is the place where identity and individuality intersect or overlap? Don't bother to look for it, because it doesnt exist, except as an abstraction in the minds of those who desire both and possess neither."

(Boyd B. Rice, "No", Worm Books, 2009, p.19-20;
mis en gras par nous-mêmes)

Notons la nuance entre individualité (individuality) et singularité (uniqueness).

par **Baalberith** Sam 9 Jan 2010 - 17:06

J'ai pas mal traité de la question dans mon ouvrage, davantage d'un point de vue sociologique que psychologique, mais ma fois la question m'intéresse énormément, pourrais-tu me conseiller un article ou un ouvrage sur la question? J'ai le Culture et comportement de G. VINSONNEAU personnellement...

par Sam 9 Jan 2010 - 22:24

A vrai dire, rien ne me vient à l'esprit d'autre que les deux sources que j'ai mentionnées.

Cette question me préoccupe aussi parce que je ne peux pas y répondre clairement. Cela fait aussi suite aux discussions qu'il y a sur PC, où je m'aperçois que pas mal de gens ont un autre rapport à leur culture, une autre articulation entre individualité / identité individuelle / singularité et identité / identité culturelle / similarité.

Si tu as des questions plus précises, je peux bien essayer d'y répondre. Mais je ne suis pas dans un cursus qui permet spécifiquement de comprendre ça scientifiquement. Ce sont juste des questions qui me viennent comme ça.

J'exhumerai quelques cours à l'occasion.

Histoire de commencer par le bas, j'ai guigné sur wiki. Sous "Identité sociale", je retrouve certaine théorie de Tajfel en psycho sociale (cf. Identité sociale). Elle explique les mécanismes de différenciation et de discrimination groupales.

Au passage, je note l'accent mis par certains sur les valeurs dans l'unité culturelle "L'appartenance à une culture se traduit ainsi par l'adhésion aux normes et valeurs de cette culture. Selon Zavalloni[5] les valeurs sont le point de rencontre entre l'individu et la société, l'une des caractéristiques primordiales de l'identité étant qu'elle possède un noyau central de valeurs difficilement amovibles qui sont la liaison essentielle entre l'individu, sa culture et ses différents groupes d'appartenance." (cf. Identité sociale)

Aussi, un passage qui va t'intéresser: "Paul Valéry explique[7] quant à lui que l'identité européenne vient probablement du confluent de trois influences : l'abstraction de la pensée grecque, l'organisation romaine et les valeurs de solidarité de toute l'humanité propagées par le christianisme même si celui-ci n'en fut pas l'inventeur." (cf. Identité sociale)

Cerise sur le gâteau, j'apprends non sans éclats de rire l'existence du terme "enculturation" (sic!) "un terme proposé par Margaret Mead pour définir le processus par lequel le groupe va transmettre à l'enfant, dès sa naissance, des éléments culturels, normes et valeurs partagés. L'enculturation traduit le processus de transmission de la culture du groupe à l'enfant[1]."

(cf. Enculturation)

Force m'est de reconnaître que le terme convient bien, puisque c'est à mon avis dans ce processus qu'on risque de se faire entuber...

par **Baalberith** Dim 10 Jan 2010 - 0:57

Je reviendrai sur ce sujet en temps voulu!

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