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Le roi Arthur

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Message par Necrowarrior Sam 3 Avr 2004 - 21:48

COMPER EN BROCELIANDE



DU 29 MARS AU 5 OCTOBRE 1998







CENTRE DE L IMAGINAIRE ARTHURIEN











CELUI QUE LES BRETONS ATTENDENT



Il est le roi, le grand roi, il vient du Nord, du Nord du monde, et de toute éternité sa barque glisse entre Écosse et Grande Ourse, à cette source du monde où les glaces et les astres forment un univers de transparence et de vertige. Sans doute, avant de s'incarner dans une figure, une apparence qui peuplera contes et récits et suscitera l'émerveillement de tous ceux qui l'accompagnent, il est un principe, celui d'une royauté élémentaire et mythique, une verticalité lumineuse garante de l'unité et de la perpétuation des choses.



Comme tous les êtres d'exception, il a d'abord une vie cachée, il n'est presque rien avant d'avoir arraché l'Epée à la pierre, enfant des sortilèges attentif aux surgissements miraculeux qui se préparent. Roi lumineux venant du Nord du monde, enfant prodigieux qui descelle l'épée de son support immarcescible, guerrier qui s'aventure vers un ordre, une exception, une geste - une chaîne de splendeurs. Et roi jeté dans l'obscurité et la fange des jours, dans l'opacité des intrigues, les complots, les trahisons.



D'un côté la grandeur mythique qui, quelles que soient les difficultés et les entraves, assure la pérennité d'un secret et d'un principe qui commandent la navigation du monde ;
de l'autre le cheminement d'un homme qui inscrit des actes dans la mouvance et l'instabilité des choses, sur une terre où tout émerge, rayonne, pourrit, entre épiphanie et érosion. Tel est le sens de l'aventure du grand roi, inventeur d'un ordre - celui de la Table -, premier d'une galaxie de pairs, d'un ordre flamboyant et précaire qui est l'un des pinacles des accomplissements imaginaires de l'humanité .



Mais la mort, le dard de la finitude rôde. L'apogée du Nord du monde et de la Table Ronde contient en germe et en filigrane la boue automnale de Salesbières, les chevaux qui se heurtent, cette nuit fangeuse qui descend sur le monde. Ce basculement, cette immersion dans le chaos d'une terre sans vie. Roi du Nord, roi-ours qui retrouve au commencement des hivers le séjour d'une longue hibernation.



Car il ne meurt pas, sa blessure lui ouvre seulement la porte de l'île aux pommiers et aux fleurs sans fin. La sœur magicienne, les fées des âmes veillent. Des chaloupes glissent, habitées de corps sans injure. IL est là, celui que les Bretons attendent, Celui qui a toujours sa place à la Table fracturée, Celui dont le heaume d'ours et d'or brille d'une lumière qui ne s'éteint pas, plus forte que la radiance des pommes d'Avalon, plus forte que l'Epée de puissance, celle des glaciers, des galaxies, des glaciers galactiques.



Philippe Le Guillou





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LE ROI ARTHUR

MYTHE ET HISTOIRE

LE GUERRIER ARTHUR

LE ROI CELTIQUE

EXCALIBUR

SOUS LE SIGNE DU DRAGON

AU COEUR DES ENCHANTEMENTS

LE TUEUR DE MONSTRES

A TRAVERS LA FORÊT

LA REINE DE MAI

LA PORTE DE L'AUTRE MONDE

UN NOIR VISAGE

MON FILS, MON ENNEMI

MORGANE MA SOEUR

LE GARDIEN DE LA COUTUME

LE ROI-OURS

ARTHUR ET LE GRAAL

LA CHASSE ARTUS

LE ROI LE PLUS SEUL

QUONDAM ET FUTURUS

BIBLIOGRAPHIE DE L'EXPOSITION

LES TEXTES DES DIFFERENTES EXPOSITIONS





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LE ROI ARTHUR



En 1136, l'Histoire des Rois de Bretagne de Geoffroy de Monmouth met pour la première fois en scène le personnage du Roi Arthur. En 1150 Wace adapte cette œuvre dans le Roman de Brut, puis vient Chrétien de Troyes. Après lui, une multitude de textes, en vers et en prose, racontent, avec une imagination jamais en défaut, Arthur, sa cour, ses chevaliers et leurs multiples exploits. Les romans en vers ont pour sujet des épisodes de la vie du roi et ses chevaliers, récits pleins de merveilles qui privilégient les exploits et la rencontre avec le surnaturel plutôt que l'aventure spirituelle. Les romans en prose offrent au lecteur de vastes compositions qui débutent au pied de la Croix et se terminent, après l'intervention de Merlin et les exploits de Lancelot, par la découverte du graal, la fin de la Table Ronde et la mort du roi Arthur. Il faut attendre le XVe siècle, et l'anglais Thomas Malory, pour qu'une vaste synthèse des textes arthuriens soit tentée : Le Morte Darthur.

La durée dans laquelle s'inscrit l'écriture des romans bretons donne aux aventures et aux personnages des traits différents, parfois contradictoires. De la grâce courtoise de Chrétien de Troyes (vers l170) à la rigueur religieuse de l'auteur de la Queste du Saint Graal (60 ans plus tard), il y a déjà un abîme. Les noms sont les mêmes, les situations voisines, mais l'esprit a totalement changé. Les personnages se transforment peu à peu, les meilleurs peuvent devenir mauvais, et les épisodes nouveaux se multiplient, parfois gratuitement.

Dans le résumé succinct qui suit, nous avons résolument choisi un certain aspect des personnages et du récit : la matière est vaste et chacun y prend ce qu'il souhaite. Nous avons usé de ce droit et supprimé des surcharges ou des noirceurs qui nous semblaient dénaturer le sens du beau récit que l'union de la spiritualité celtique et du génie médiéval nous a légué.



En ces temps ténébreux, Uther Pendragon, roi de Bretagne, lutte pour reconquérir son royaume divisé contre les Saxons, et tous les envahisseurs venus du Nord. A ses côtés, un enchanteur - Merlin - l'aide sur les chemins du pouvoir et interprète pour lui les signes que lui envoient les forces surnaturelles. Un soir, un dragon immense et flamboyant semble surgir du ciel nocturne, et de sa gueule, deux rayons lumineux se dirigent vers la Grande et la Petite Bretagne. Merlin explique au roi : « Il te naîtra un fils qui règnera sur les deux Bretagnes. De roi plus grand que lui, il n'y en eut aucun ;
de roi si juste, il n'y en aura plus jamais. »



Un soir de fête en son palais, Uther tombe amoureux d'Ygraine, la belle épouse du duc de Cornouailles, un de ses fidèles alliés. Uther lui fait une cour ardente, mais la dame est fidèle, et son époux, fort courroucé par les avances royales, la ramène en leur château de Tintagel. Uther assiège en vain l'imprenable forteresse, et finit par faire appel à Merlin, son conseiller, son devin et son magicien. Celui-ci accepte de donner au roi l'apparence du duc de Cornouailles pour séduire Ygraine, à une condition : « Le fruit de cette nuit, tu me le donneras », impose-t-il au roi.



Malade d'amour pour Ygraine, Uther accepte le pacte de Merlin, et l'union est consommée sans que la jeune femme pressente la duperie dont elle est victime. La même nuit, le duc de Cornouailles est tué au combat, et bientôt Uther réclame pour lui, avec les terres du duché, la main de la belle veuve. Elle attend un enfant, conçu lors de la nuit passée avec celui qu'elle croyait être son époux. Un fils naît, que Merlin emmène aussitôt avec lui. Il confie le nouveau-né à un petit seigneur, Antor, sans rien révéler de l'origine royale du nourrisson. Avant de disparaître dans la forêt, Merlin ordonne que l'enfant soit baptisé Arthur. Antor élève et aime le jeune Arthur comme son propre fils, Kay.



Des années plus tard, quand le roi Uther meurt sans, croit-on, laisser d'héritier, la lutte est rude pour sa succession. Un grand tournoi est décidé, où s'affronteront à Winchester, le jour de Noël, princes, barons et grands chevaliers. Alors que tous sont réunis et prêts au combat, ils découvrent une épée mystérieusement apparue et plantée dans une pierre : une phrase gravée en lettres d'or sur sa garde annonce que celui qui retirera cette épée sera le roi désigné. Chacun s'y efforce, mais en vain.



Arthur, Antor et Kay viennent eux aussi se mesurer au tournoi. A peine arrivé, Arthur s'aperçoit, erreur impardonnable pour un écuyer, qu'il a oublié l'épée de Kay. Il tente en vain de s'en procurer une, et finit par découvrir celle qui est plantée dans la pierre, que tous ont délaissée. Il la saisit et la retire sans effort de sa gangue minérale. La rumeur se propage : «Un écuyer d'obscure naissance a retiré l'épée, nous avons un nouveau roi.» Une partie des nobles fait aussitôt allégeance au jeune homme, mais un grand nombre refuse d'accepter le jugement de l'épée. Dans le tumulte qui s'ensuit, Merlin apparaît soudain. Devant tous, il proclame qu'Arthur est le vrai roi, et livre le secret de ses origines : «Il est destiné à régner, car son sang coulait aussi dans les veines de votre ancien souverain, Uther Pendragon.»



Pendant les années qui suivent, le jeune homme doit combattre sans relâche les ennemis venus du Nord et, en même temps, la rébellion des seigneurs hostiles. Mais il a la joie de retrouver sa mère et ses demi-sœurs - les filles d'Ygraine et du duc de Cornouailles. Elles ont épousé des princes de terres lointaines, et certaines d'entre elles sont en puissance de fils. Parmi ses neveux, Arthur accueille à sa cour Yvain et Gauvain, brillant et courageux chevaliers. Yvain se distingue par son aventure extraordinaire à la fontaine de Barenton en Brocéliande où, pour avoir affronté le Chevalier Noir, il gagne la main de Laudine, fée de la fontaine, et le surnom de Chevalier au lion. Gauvain devient le plus fidèle second du Roi Arthur, le seul en qui celui-ci a toute confiance.



Un inconnu s'en vient un jour défier le jeune roi qui part le combattre au plus profond de la forêt, accompagné par Merlin. Blessé, Arthur est soigné par un ermite et par l'Enchanteur. A peine remis, et comme il se désole d'avoir perdu son épée dans ce combat, Merlin l'invite à le suivre plus loin encore : « Dans ce pays, il n'est qu'une seule épée digne de toi. C'est pour elle que je t'ai conduit jusqu'ici. Suis-moi. »



Après des heures de chevauchée par les vallées et les forêts les plus sauvages, à travers des terres inconnues, Merlin et Arthur parviennent au bord d'un lac secret. Ils viennent juste d'attacher leurs chevaux à un arbre de la rive, qu'un bras revêtu de soie blanche s'élève au-dessus de la surface du lac.



Une main de femme, belle et forte à la fois, brandit vers le ciel une épée de lumière. « Voici Excalibur. Elle t'est destinée », lui murmure Merlin. Une barque conduit le roi et son conseiller vers le milieu des eaux, où la main tient toujours l'épée. Arthur referme ses doigts sur l'arme et brandit Excalibur cependant que la main mystérieuse s'enfonce sous la surface du lac. De retour sur la rive, une jeune fille attend, elle aussi vêtue de blanc. Elle se dirige vers le roi et lui tend un fourreau comme il n'en a jamais vu. « Ma maîtresse, la Dame du Lac, m'a demandé de te remettre ce fourreau. Il est cent fois plus précieux que l'épée, car si l'épée t'assure la victoire, son fourreau te protège de toutes les blessures. Ma Dame m'a aussi chargée d'un message : lorsque ton temps parmi les hommes sera fini, tu devras lui rendre l'épée, en la rejetant au sein des eaux. » Et la demoiselle disparaît sur ces mots. Le jeune roi retourne vers son royaume et sans relâche prouve à tous sa valeur aux armes, son courage, mais aussi son sens de la justice et sa générosité. Peu à peu, les derniers seigneurs et rois rebelles se rallient à lui, et il est couronné solennellement souverain de toutes les Bretagnes.



Dans les années qui suivent, après avoir conquis treize royaumes et affronté des monstres redoutables, Arthur épouse Guenièvre, la fille de son premier allié, Léodegrand de Caméliard. Le temps des batailles semble fini, l'âge d'or peut commencer.



Paix et prospérité règnent sur le royaume, la cour d'Arthur devient le modèle de toutes les cours du monde. Elle attire les chevaliers les plus braves et les dames les plus belles. Les fées elles-mêmes s'en viennent de l'Autre Monde s'asseoir aux côtés du roi. Arthur, Guenièvre et toute leur mesure parcourent les terres reconquises, mais le cœur du royaume bat à Camaalot, le royaume central voulu et créé par Arthur, avec son château où adviennent sans cesse merveilles et prodiges.



Merlin, conseillant le jeune roi comme il l'avait fait pour son père, lui suggère de créer une fraternité des meilleurs. « Tes chevaliers se sont battus pour toi, il est juste qu'ils profitent de cette vie de plaisir. Mais il faut aussi leur donner un idéal à défendre, une mission à accomplir, un lieu qui ne soit qu'à eux. Tu vas bâtir une salle superbe en ton palais. Au centre de cette salle, installe une immense table ronde. Autour de cette Table Ronde siègeront les meilleurs d'entre les meilleurs, tous égaux autour de toi, tous prêts à partir pour de belles aventures. Tu resteras ici à les attendre, et. à leur retour ils te conteront leurs hauts-faits et tu les récompenseras avec justice et largesse. » Merlin a dicté la loi, Arthur va lui obéir.



Et pendant des années, les chevaliers parcourent le monde, en quête d'exploits fabuleux. ils affrontent des bêtes monstrueuses au fond de forêts enchantées. Ils conquièrent des châteaux aux étranges pouvoirs et délivrent de belles prisonnières. Ils suivent des chasses surnaturelles qui les conduisent, au travers de lacs enchantés, vers les terres de l'Autre Monde où l'amour les attend, pour toujours ou pour une nuit. Ennemis, prisons, épreuves ont beau parsemer leur route, il n'est pas d'injustice qu'ils ne réparent, pas de combat qu'ils ne remportent. Leurs missions accomplies, ils reviennent auprès de leur roi qui sait les honorer et les récompenser. Et les uns et les autres, par les mots et les exploits qu'ils rapportent, témoignent de leurs prouesses pour la gloire de la Table Ronde, pour leur roi, par amour de leur dame, ou simplement pour leur honneur.



Sous son apparence idéale, le monde arthurien souffre d'une peine secrète. Le meilleur des chevaliers d'Arthur, Lancelot, chevalier de Petite Bretagne, élevé par la Dame du Lac dans son domaine caché sous les eaux, trahit son roi et vit avec la reine une passion tragique. Il a aimé Guenièvre au premier regard, et n'a jamais aimé qu'elle. Il a été, si jeune encore, le premier et le plus ardent des champions de la reine. Lui seul a su l'arracher à Méléagant qui l'avait emmenée de force dans le Pays dont nul ne revient : le roi lui-même n'avait pu protéger son épouse. Lancelot a défendu Guenièvre contre les dangers et les calomnies. Il a accepté d'elle même les peines les plus injustes. Un soir enfin, dans un verger fleuri, elle lui a avoué son amour et il a reçu d'elle un premier baiser. Plus tard encore, ils sont devenus amants. Ils dissimulent leurs sentiments, et Lancelot ne vient plus que très rarement à la Table Ronde, où tous pourtant le citent en exemple et célèbrent ses exploits.



Lancelot s'est fait une implacable ennemie de Morgane, la demi-sœur d'Arthur, qui aime son frère d'un amour exclusif et qui jalouse en même temps son pouvoir. Elle sait le secret qui lie Guenièvre à Lancelot, et s'en sert cruellement.



Malgré la blessure secrète, la Table Ronde, comme un aimant, comme un soleil, continue à attirer vers elle l'élite de la chevalerie. Au centre de cet univers trône le roi Arthur, qui assure par sa présence la continuité et la cohésion du compagnonnage chevaleresque. De ce monde-ci ou de l'Autre, il n'est nulle requête qui ne soit satisfaite à la Table Ronde, nulle dame qui n'y trouve un champion. Parmi les nouveaux chevaliers qui sollicitent l'intronisation, arrive un jour un jeune Gallois de fort rustiques manières, Perceval. Bientôt éduqué dans les arts de la chevalerie, il part à son tour à l'aventure ;
un soir sa route croise celle du Graal et de son cortège de talismans merveilleux, dont la Lance-qui-saigne. Dans sa trop grande simplicité, Perceval ne soupçonne rien du sublime mystère. Il ne pose pas les questions qui auraient délivré aux hommes les bienfaits de la coupe merveilleuse. Comprenant trop tard sa faute, il part avec Gauvain à la recherche du Graal et de la Lance.



Derrière eux, tous les chevaliers de la Table Ronde quittent Camaalot pour la Quête. Telle est leur ultime mission en ce monde : retrouver le Graal, comprendre son sens et son essence. C'est le dernier conseil de Merlin. Car pour Merlin est venue l'heure de partir pour Brocéliande. Là-bas l'attend Viviane, sa dame des eaux, qui l'enfermera dans une prison d'amour. Il le sait. Arthur va rester seul à Camaalot, avec le souvenir de la belle fraternité dispersée : l'avènement de la chevalerie célestielle marque bien la fin de sa Table Ronde, ponctuée par le départ de son vieil ami, celui qui le guidait et qu'il ne reverra plus.



La Quête est longue, décevante pour la plupart, sauf pour trois chevaliers élus. Lancelot, pourtant le meilleur de tous, échoue à trouver le Graal : il ne le voit qu'en rêve, et encore la coupe est-elle voilée. A ceux qui rentrent, la cour offre un visage désenchanté : le roi vieillit, les amertumes et les rancœurs se font jour, la passion de Lancelot pour la Reine désagrège peu à peu ce qui reste de la fraternité de l'âge d'or. Gauvain, jusque là compagnon d'armes fidèle de Lancelot, ne supporte plus le déshonneur du roi. Et Lancelot est surpris dans la chambre de Guenièvre : lui s'échappe, la reine est condamnée au bûcher. Pourtant, le jour même de l'exécution, Lancelot la délivre, mais il tue deux des frères de Gauvain qui ne peut le lui pardonner, et pousse le roi à la guerre.



Guenièvre et Lancelot se réfugient en Armorique, où le roi et Gauvain les poursuivre, sans succès. En combattant son ennemi, Gauvain est mortellement blessé. Lancelot force alors la reine à rejoindre son époux, par honneur et par raison. Le roi pardonne à Guenièvre - comme au fond de son cœur il pardonne à Lancelot.



Dans un dernier sursaut, Arthur décide de repartir à la conquête de nouveaux royaumes. Il confie la régence à son fils Mordred, né de l'inceste qu'il a commis avec Morgane. Mordred, qui hait le roi, s'empare de la couronne et tente d'épouser la Reine. Revenu en grande hâte, Arthur affronte son fils. Mais Lancelot n'est plus aux côtés du roi, et malgré les songes prémonitoires, malgré les avertissements que lui prodigue le fantôme de Gauvain, le sort qu'avait prédit Merlin s'accomplit. Dans la plaine de Salesbières, Arthur livre à Mordred l'ultime bataille : les derniers chevaliers et les hommes libres de toutes les tribus de Bretagnes s'affrontent dans les deux camps. Le combat du mal contre le bien dure une journée entière, une journée d'anéantissement où, au soleil couchant, restent face à face le roi et Mordred. Dans un ultime effort, Mordred blesse mortellement Arthur, et Arthur tue son fils maudit.



Dans les décombres d'un monde ravagé, au bord de la plaine qui n'est que mort et douleur, le roi confie à son écuyer, le seul de ses compagnons à survivre au terrible massacre, le soin de rendre à la Dame du Lac l'épée Excalibur. Par deux fois Bedevere hésite à obéir au roi, et se refuse à jeter l'épée de la puissance au fond d'un lac. Lorsqu'il accomplit enfin le geste ordonné par le roi, il voit sortir de l'eau la main de la Dame du Lac qui se saisit de l'épée, la brandit trois fois dans le soleil couchant et l'emporte sous les eaux.



Quand Bedevere revient enfin auprès du roi mourant, ébloui par le grand mystère qui lui a été révélé, il voit son souverain se diriger, en armes et avec son cheval, vers une nef venue en silence du fond de l'horizon marin. A son bord, la fée Morgane entourée de ses suivantes attend le roi son frère pour le mener en Avalon. Là, dit-on, la puissante dame qui fut parfois l'ennemie acharnée de son frère le soigne avec un art consommé, guérissant ses blessures et veillant tendrement sur son sommeil. Car Arthur dort dans l'île sacrée, mais chaque Breton sait qu'il se réveillera un jour, qu'Excalibur lui sera rendue, et que sa royauté sera restaurée à tout jamais.









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MYTHE ET HISTOIRE



C'est au centre même de l'espace celtique que naît l'énigmatique figure d'Arthur. Nous n'entrerons pas dans la querelle stérile sur l'historicité d'un obscur chef de clan devenu, par la grâce des siècles et la mémoire des Celtes, le glorieux Roi Arthur. Il faut le répéter : le personnage du Roi, chanté au Moyen Age par la parole des bardes et des conteurs à partir de ce qui persistait de la tradition celtique, a peu à voir avec l'histoire. Plus sûrement, il est d'abord affaire de mythe, puis de légende et enfin de littérature.



Le supposé chef de guerre qui, au très haut Moyen Age, tuait ses ennemis par milliers en une seule charge, est résolument ignoré par les chroniqueurs qui auraient été ses contemporains. Le grand roi, vainqueur des Saxons aux alentours du Ve siècle, laisse muettes l'archéologie et l'histoire. Est-il alors nécessaire de convoquer les Riothamus, Maxime, Lucius Artorius Castus et tous les légionnaires de l'Empire romain en déroute pour chercher à étayer l'existence réelle du roi de la Table Ronde? Sans doute pas plus qu'il n'est raisonnable de prendre au pied de la lettre Geoffroy de Monmouth - auteur magnifique et grand serviteur des Plantagenêt - et son Histoire des Rois de Bretagne, une œuvre pleine d'invention, mais dont la crédibilité historique, au sens où nous entendons aujourd'hui ce terme, reste toute relative.



Le personnage du roi, des chevaliers, du devin et des femmes qui les entourent, les rapports des uns avec les autres, leur relation avec le merveilleux et l'Autre Monde, tout cela ne naît pas ex nihilo. Il faut se plonger dans l'antique épopée d'Irlande pour retrouver un héros capable de défaire à lui seul une armée : Cuchulainn;
un roi dont les exploits s'accomplissent à la tête d'une compagnie de guerriers : Finn et ses Fenians;
les pouvoirs du druide, conseiller et devin des rois ;
les femmes-fées et les dérèglements du temps ;
l'irruption de l'Autre Monde parmi le domaine des humains.

Nous n'entendons pas écrire l'histoire. Ce que nous célébrons ici, c'est la toute puissance et la beauté de l'imaginaire, quand il devient réalité sensible.









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LE GUERRIER ARTHUR



Au IXe siècle, l'Historia Brittonum, fait état des douze victoires d'un chef de guerre nommé Arthur, dont celle de Badon, et rapporte deux faits merveilleux : une pierre portant l'empreinte de la patte du chien d'Arthur ne peut être déplacée du cairn où elle est posée ;
et si l'on mesure la tombe du fils d'Arthur, elle n'a pas deux fois les mêmes dimensions. Au Xe siècle, les Annales Cambriae rappellent les batailles de Badon « où Arthur porta pendant trois jours et trois nuits la croix du Christ sur ses épaules et où les Bretons furent victorieux », et de Camlann, « où périrent Arthur et Médraut » ;
Arthur est un guerrier « qui nourrit les corbeaux sur les champs de bataille». Au début du XIIe siècle, Guillaume de Malmesbury évoque ce même guerrier et ajoute que sa tombe ne se voit nulle part.



A la même époque, plusieurs vies de Saints brossent d'Arthur un portrait moins flatteur. Il importune les jeunes filles qu'il devrait protéger, s'attaque aux biens des saints hommes, échoue à terrasser un serpent monstrueux. Pourtant il est bon guerrier, chrétien et (enfin) roi : le faire-valoir parfait des saints qui le mettent au pas !

La royauté lui est définitivement acquise en l136 dans l'Histoire des Rois de Bretagne où Geoffroy de Monmouth retrace la succession des rois de Bretagne depuis Brutus, petit-fils d'Enée. Le règne le plus long, ce1ui d'Arthur, fait figure d'âge d'or et de modèle pour tous les rois. En l150, un clerc anglo-normand, Robert Wace, adapte cette œuvre en langue romane, et Chrétien de Troyes parachève vers l170 la transformation du guerrier celtique en roi courtois, personnage peu actif mais autour de qui s'organisent les aventures de la chevalerie de Table Ronde.

Pendant que naît le roman français, le Pays de Galles compose des poèmes où le roi Arthur est célébré comme un guerrier hardi qui s'en va dans l'Autre Monde (l'Annwn) conquérir ses trésors, dont le chaudron de résurrection, ou qui entreprend l'épuisante chasse au mythique sanglier blanc Twrch Trwyth.









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LE ROI CELTIQUE



La pierre a parlé, l'épée a désigné le roi. Le soin d'initier Arthur aux secrets du monde revient maintenant à Merlin, qui est au fond son vrai père. Stratège, juriste, médecin, Merlin le devin annonce, à sa manière volontairement énigmatique, le passé et l'avenir. Et il va son chemin, suivant des impératifs connus de lui seul. Il assiste parfois d'autres souverains, ou s'absente dans quelque retraite forestière.

Merlin et Arthur se répartissent le pouvoir comme le faisaient le druide et le roi dans la société celtique ancienne. Mais aucun texte médiéval ne désigne Merlin comme un druide : au XIIe siècle, les druides avaient depuis longtemps disparu du paysage social et religieux des grands de ce monde.

Écho encore de la société celtique qui ne connaissait pas de plus grand malheur qu'un roi avare et jaloux, la largesse impose à Arthur de distribuer en abondance de justes récompenses à ceux qui se battent pour lui. « Plus grande sera notre générosité, plus grandes seront notre noblesse, notre gloire et notre considération," , déclare-t-il. Au début de Perlesvaus, Arthur devient soudain incapable de donner, ce qui entraîne la défection des chevaliers, et menace l'existence de la Table Ronde. La passivité du Roi étonne souvent : ses chevaliers partent à l'aventure pendant qu'il reste à la Table Ronde.

Ce comportement, inexplicable pour un roi du Moyen Age, s'éclaire par le principe de la royauté celtique où toute mutilation royale entraîne la ruine du pays. Passé le temps de la conquête, Arthur se retire des rangs des guerriers et devient le roi sacré que sa fonction empêche d'agir même dans les moments les plus dramatiques. Le Chevalier Vermeil a beau l'insulter et outrager la reine en lui jetant le contenu d'une coupe de vin au visage, Méléagant enlever Guenièvre, le Chevalier Vert accuser de couardise toute la Table Ronde, jamais Arthur ne se dresse face à eux.

Mais lorsque Mordred trahit, Arthur reprend les armes. Il n'y a pour lui plus de risque à combattre, son royaume est déjà en agonie. Détruire, avant de s'embarquer vers Avalon, le mal qui a détruit la Table Ronde, telle est sa dernière mission.









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EXCALIBUR



Caliburn, Caledfwch, Escalibor ou Excalibur, l'épée du roi Arthur reste l'emblème le plus pur et le plus fulgurant de l'aventure arthurienne. Être animé, elle s'inscrit dans la tradition des armes magiques des épopées d'Irlande. Cuchulainn, fils du dieu Lug, porte une épée flamboyante, tout comme celle que brandit le chef des Tuatha Dé Danann lors de la bataille de Moytura ;
un des héros de la Tain Bo Cualnge (la Razzia des vaches de Cooley), Fergus, a reçu en héritage une épée qui brille « comme dix torches » et dont le fourreau protège son possesseur de la mort.

Par le don qui lui est fait de l'épée venue de l'Autre Monde, Arthur prend rang aux côtés des héros des indo-européens, mythiques ou historiques, désignés par les dieux, et plus tard par Dieu, pour diriger et défendre les hommes avec l'aide d'armes ou d'armures surnaturelles : qu'on songe à Achille, Siegfried, Batradz, Charlemagne, Roland...

Arthur a beau s'emparer de l'épée Marmiadoise à l'issue de son combat contre le géant Rience;
ce brillant trophée guerrier, ne saurait rivaliser avec la mythique Excalibur. Arthur sait bien que cette arme est à nulle autre pareille et qu'il n'en est pas le maître, seulement le gardien pour le temps de son règne. Soumis au don contraignant, il ne peut refuser de mettre en jeu tout ce qu'il possède, mais exclut Excalibur du marché, car elle ne lui appartient pas.

La puissance de l'intronisation par l'épée dans la pierre est telle que l'auteur de la Queste del Saint Graal reproduit l'épreuve qualifiante de la royauté au profit de Galaad qui, seul, parvient à retirer une mystérieuse épée d'un bloc de marbre rouge apporté par les eaux devant Camaalot.

Une autre dimension spirituelle d'Excalibur peut se lire dans la complémentarité qui existe entre elle et le Graal. L'épée, arme masculine, est sous la haute main de la Dame du Lac, alors que la coupe demande un roi. Est-il plus sage de concevoir l'épée sans le Graal ou le Graal sans l'épée, quand c'est par leur union que se parachève la quête et que s'équilibre le monde ?









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SOUS LE SIGNE DU DRAGON



Une constellation dans le ciel, une famille désignée par un animal fabuleux, un prophète familier de la bête monstrueuse et magnifique : le destin d'Arthur, bien avant sa naissance, est placé sous le signe du dragon. « Ce nom lui était venu de ce que Merlin avait prédit son accession à la royauté par le dragon», est-il écrit dans l'Histoire des Rois de Bretagne.

L'animal surgit dans le ciel, boule incandescente issue d'une étoile : il personnifie Uther Pendragon, et les langues de feu jaillies de sa gueule flamboyante représentent ses descendants. Pendragon, surnom de son oncle, puis de son père, son nom dynastique, Arthur le tient en honneur et se place sous sa protection à la bataille où il porte « un casque en or gravé d'une figure représentant un dragon ». Et Merlin, qui parmi ses hautes fonctions occupe à l'occasion celle de stratège, chevauche à ses côtés, tenant en main l'enseigne royale en forme de dragon.

S'il est capable, les ailes déployées, de traverser les cieux, le dragon est aussi l'animal chthonien, symbole des forces dormantes de la terre, cette force que John Boorman appelle, dans Excalibur « le souffle du dragon ». A travers l'animal mythique, le roi représente et maîtrise la totalité des éléments : l'eau dans laquelle séjourne la bête (ainsi des deux dragons, l'un blanc, l'autre rouge, dont Merlin révèle l'existence dans un lac souterrain), l'air où elle s'envole ;
la terre dans laquelle elle s'enfouit;
le feu enfin, qu'elle porte en elle et que parfois elle crache à la ronde.Des saints et des saintes, comme Marguerite ou Georges, comme Arthur, maîtrisent le puissance du dragon.

Totalité cosmique, le dragon arthurien est une force bénéfique tant que le roi remplit les fonctions pour le plus grand bien de son royaume. Ainsi, Arthur n'est-il pas aux prises avec l'animal monstrueux, comme le sont tant de ses chevaliers, car il est sous sa protection. Bien mieux, comme Merlin le lui révèle, le Roi et le dragon ne font qu'un : « Le dragon que vous avez vu dans votre rêve et qui crachait le feu par la gueule si fort qu'il illuminait toute la terre, signifie vous-même »...









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AU COEUR DES ENCHANTEMENTS



Arthur voit le jour à Tintagel, inexpugnable forteresse marine des ducs de Cornouailles. Ce château a la particularité de disparaître aux yeux des humains quatre fois par an, aux solstices et aux équinoxes, et fut construit par des géants. Sa parentèle féminine évolue aux marches de l'Autre Monde. Sa sœur Morgane règne sur Avalon, et Ygraine, sa mère, devient après sa mort la blanche reine que, dans sa quête de la Lance-qui-saigne, Gauvain rencontre à Champguin, château-île du monde enchanté, cerné par un ruisseau infranchissable.

Dans les textes gallois, les armes victorieuses d'Arthur procèdent d'un rapport avec le surnaturel où se mêlent merveilleux chrétien et merveilleux païen. Son armure porte la croix du Christ, sa bannière et son boucher Prytwenn l'image de la Vierge Marie, mais l'épée Excalibur a été forgée en l'île d'Avalon, et sa lance a le pouvoir de faire saigner le vent.

Les songes prémonitoires qui visitent Arthur s'enracinent dans la tradition celtique des guerriers doués du don de prophétie et de double-vue. A peine son fils est-il conçu qu'une vision nocturne révèle au Roi tout le malheur que causera cette naissance. Alors qu'il s'apprête à combattre Mordred, il rêve de la roue de la fortune d'où il va être précipité, puis le fantôme de Gauvain vient le conjurer d'attendre le ralliement de Lancelot avant de livrer bataille.

Ses chasses l'amènent sur la voie des prodiges : les animaux blancs issus de l'Autre Monde, le fils du Roi de l'Eté qui le tuera s'il ne sait pas ce que les femmes désirent plus que tout au monde, la Bête Glatissante née de l'abominable crime commis par une noble dame contre son frère, et dont la portée encore en son ventre hurle à la ronde - rencontre prophétique dont Merlin explique au roi la sombre signifiance.

Arthur peut franchir la frontière de l'Autre Monde. Lors de son expédition à la conquête des Dépouilles de l'Annwn, il passe la mer sur son bateau Prydwen pour gagner la forteresse des fées, l'île de verre où est conservé le chaudron qui inspire les poètes et qui ne fait pas chauffer la nourriture des lâches.









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LE TUEUR DE MONSTRES



Les textes présentent Arthur comme le roi qui met fin aux âges sombres pour apporter ordre et prospérité aux peuples rangés sous sa bannière. Parmi les tâches qui lui incombent, semblable en cela à tous les héros des épopées ou des récits mythiques, Arthur doit entrer en lutte avec le monstre, force obscure issue des temps primordiaux.

Inattendu et terrifiant, le chat géant du Lac de Lausanne, le sanguinaire Chapalu, ravage le pays. Guidé par Merlin, Arthur combat ce grand félin, « chat plein d'ennemis, si grand et si horrible que c'est épouvantable chose à voir », bête monstrueuse jaillie des eaux du Lac Léman pour se délecter de sang humain.

A l'issue d'un éprouvant combat, le jeune roi vient à bout d'un chevalier qui ravageait les terres de l'Amoureuse Cité. Mais après la mort de son adversaire, la mer, les vents et le tonnerre se déchaînent, suivis de gémissements. Arthur découvre que « le chevalier, le destrier, le haubert, le heaume, l'écu, l'épée et la lance étaient de même nature et ne faisaient qu'un » : la nature pleure l'un des siens, une vieille divinité peut-être ?

Les plus féroces parmi les monstres affrontés victorieusement par le fils du Pendragon demeurent les géants, armés de massues et vêtus de peau de serpent, ennemis déclarés du Roi et de ce qu'il représente d'ordre et d'harmonie. Ainsi de Dinabuc, anthropophage et violeur, réfugié au sommet du Mont Saint Michel, ou de Rittha qui avait juré d'ajouter en trophée la barbe du roi Arthur à celles des nombreux rois qu'il avait déjà exterminés. Kulhwch et Olwen, récit gallois, conte la chasse civilisatrice que mène Arthur à la poursuite du sanglier blanc Twrch Trwyth. Ainsi Kulhwch pourra épouser Olwen, la fille du géant borgne Yspadadden et la soustraire au monde des forces brutales.

En tuant les géants, « images archaïques de la bestialité primitive », Arthur réalise sa dimension héroïque, restitue leur fécondité aux terres dévastées, et assure son triomphe sur les plus anciens habitants du royaume de Bretagne, ces géants dont le roi était Goemagog.









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A TRAVERS LA FORET



Lorsque la Matière de Bretagne fait irruption dans la culture de l'Europe médiévale, elle témoigne de l'existence de lieux de passage entre l'ici-bas et l'outre-monde. Parmi ces lieux, la forêt conjugue les enchantements de la terre, du ciel et des eaux, et révèle de merveilleuses apparitions à qui ose s'y aventurer.

De l'Ecosse à l'Irlande, du Pays de Galles à la Bretagne, la destinée du roi Arthur emprunte souvent les chemins forestiers. Arthur a beau œuvrer pour repousser le chaos et organiser le monde, il doit son pouvoir à ces forces obscures que cachent la terre et les eaux. Il a passé son enfance et sa jeunesse sur les terres du domaine d'Antor, et Merlin - il lui a donné la vie et il sera son maître - est un être de la forêt, qui puise au fond des bois son savoir, son équilibre et choisira de s'y retirer le moment venu. C'est par un chemin qui traverse des forêts immenses et désertes que Merlin a conduit Arthur vers la Dame du Lac pour recevoir de ses mains l'épée de la puissance.



Dans sa jeunesse, Arthur a vécu dans la forêt l'étonnante aventure de l'arbre merveilleux et du tournoi fantôme. Et quand les animaux blancs, cerfs, sangliers, chiens, parcourent les halliers, messagers ou épiphanie des fées, le Roi sait qu'il faut se lancer à leur poursuite.

Lorsqu'il doit expier ses manquements à la fonction royale, Arthur s'en va de par les bois chercher la chapelle de St Augustin qui lui rendra le don de largesse. Mais pour avoir pénétré trop avant dans la forêt des enchantements, Arthur se retrouve soumis à la question mortelle du Fils du Roi de l'Eté, dont seul Gauvain pourra le sauver au prix d'une union avec la Dame Hideuse.

Car d'alliée, la forêt peut aussi se faire dangereuse, surtout lorsque Morgane tire les ficelles : Arthur, Urien et Acolon, égarés à la poursuite d'un cerf, en font une nuit la douloureuse expérience.









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LA REINE DE MAI



L'un des mystères du règne d'Arthur a le visage de son épouse, Guenièvre. La Reine porte, atténuée par le temps et l'esprit médiéval, la marque d'une origine surnaturelle. Comme Iseult, sa beauté, son éclat trahissent sa nature féerique - que signale aussi le sens de son nom, le « blanc fantôme ».

Aux premiers jours du printemps, Guenièvre invite les chevaliers à se rendre avec elle dans les prés fleuris, tout de vert vêtus, sans armes ni armures. A leurs côtés chevauchent les plus jolies demoiselles, parées de soie et couronnées de fleurs. En cette radieuse journée naissent de nouvelles amours. Guenièvre devient la reine de mai qui, vêtue de fleurs, célèbre à travers le royaume les rites du renouveau, mais ne se soumet pas elle-même aux obligations de la fécondité.



Arthur sait qu'un roi ne peut régner sans reine à ses côtés. Fasciné par la beauté et la bravoure de Guenièvre, il épouse malgré les avertissements de Merlin. Il assure ainsi la prospérité du royaume, la fertilité de la terre et des hommes, mais il prépare de grands malheurs pour la Table Ronde. Car la fatalité de Guenièvre est d'être infidèle à son royal époux, dès qu'il renonce à son rôle de guerrier. Et quand le roi vieillit, Guenièvre, fée « éternellement jeune » - à plus de soixante-dix ans elle restait, dit-on, la plus belle femme du royaume - élit comme compagnons de jeunes guerriers. Parce qu'elle représente la souveraine éternelle, la juger n'est pas du ressort de la morale des hommes.



Guenièvre est souvent enlevée par des êtres en relation avec l'Autre Monde. Mordred qui a vu le jour dans les Orcades, les îles du Nord, seuil du monde féerique ;
Melwas, seigneur du pays de l'Eté, autrement dit le pays des fées, qui, vêtu d'un habit de feuilles, enlève Guenièvre le jour du 1er mai et l'enferme dans son île de verre de Glastonbury ;
le sombre Méléagant, héritier du royaume de Gorre, le Pays dont nul ne revient. Si l'on peut hésiter sur l'amour que leur porte Guenièvre, celui qu'elle aime sans mesure est aussi un familier du surnaturel, Lancelot du Lac, le « fils de la fée » venu de l'autre côté de la mer.









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LA PORTE DE L AUTRE MONDE



Même si la Table Ronde représente l'accomplissement extrême de l'harmonie du monde, le lieu de la courtoisie, de la fraternité et du service d'autrui, sa belle ordonnance est très régulièrement bouleversée par l'irruption des créatures venues de l'inconnu mystérieux qui cerne la cour d'Arthur.



La Table Ronde fonctionne comme un sas entre le monde des humains et le surnaturel, où Merlin et Arthur décryptent les événements merveilleux et dictent leurs commandements aux chevaliers. Il suffit qu'une mystérieuse chasseresse à la neigeuse beauté, surgie de nulle part et poursuivant un cerf avec toute sa meute, traverse le palais de Camaalot pour que Merlin déclenche la triple Quête.

Les êtres de l'Autre Monde viennent à la Table Ronde demander secours au roi, confine cette demoiselle à la mule que les bêtes de la forêt saluent et qui vit dans un château tournoyant, ou celle qui, liée par une épée, recherche le chevalier qui la délivrera. Arthur y reçoit de la Dame du Lac la mission d'adouber Lancelot du Lac, pour parachever la tâche qu'elle a entreprise, donner au monde le meilleur de tous les chevaliers. Car, ainsi qu'elle le lui explique un jour, Arthur est le roi le plus aimé des fées.



De partout on vient à la cour d'Arthur pour rencontrer l'aventure, et les plus désespérés y arrivent dans l'espérance d'un miracle. Un chevalier blessé, qui a conservé dans sa plaie le fer de la lance de son ennemi et qui endure depuis des années mille tourments, attend sa guérison de la Table Ronde. Lancelot retire le fer de la plaie qui se referme et le mourant revient à la vie.

Le surgissement de l'Autre Monde amène parfois le malheur à la Table Ronde, lorsque le roi Arthur ne peut se défendre de la violence qui lui est faite. Mais nul défi même surnaturel ne reste sans réponse à la Table Ronde : Lancelot ramène la reine du Pays dont nul ne revient, et Gauvain affronte le Chevalier Vert jusqu'à l'épreuve de vérité au cœur du monde sauvage, à la Chapelle Verte.









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UN NOIR VISAGE



Le roi de lumière qui, entouré de sa brillante cour, ordonne le chaos du monde recèle malgré tout bien des zones d'ombre. Une grande indifférence aux événements extérieurs, de longues songeries, un étrange immobilisme confèrent à Arthur un visage saturnien. Un caractère que renforce encore son rôle de maître du temps et des rythmes de la vie des hommes.

Dans un épisode du Merlin Huth, en un geste qui l'apparente à Chronos dévorant ses fils ou à Hérode - le roman arthurien n'ignore ni les références antiques ni les sources bibliques - Arthur entreprend de faire tuer les nouveaux-nés du mois de mai parmi lesquels se trouve le fils qui, un rêve le lui a prédit, détruira le royaume.

Si le roi Arthur des romans courtois est trop policé pour se mal conduire, le guerrier-roi des premiers textes est sujet à d'épouvantables rages, et extermine ses ennemis avec l'absolue violence des guerriers à demi-divins de la mythologie irlandaise. A la fin de son règne, le roi Arthur se comporte comme un astre mourant, laissant le froid de l'indifférence s'étendre sur son royaume, et sa clairvoyance l'abandonne.

Les deux hommes qui se disputent la reine, le Chevalier et le Roi, semblent symboliser le monde du jour et celui des ténèbres, l'été et l'hiver ;
à l'un les espaces célestes et pour l'autre les labyrinthes souterrains de la nuit. L'aspiration de la Reine à l'éclatante beauté va à l'homme jeune, et non vers le roi sombre et glacé dont on peut se demander parfois ce qui le lie à elle.

Car Arthur fait parfois preuve d'un étonnant aveuglement vis-à-vis de la Reine. Ainsi lorsqu'apparaît la fausse Guenièvre, il est incapable de distinguer son épouse et, au mépris de toute justice, laisse la vraie Guenièvre subir une peine infamante, réservant les honneurs à la traîtresse. D'ailleurs, parmi les richesses dont il ne se séparerait à aucun prix, il cite la reine en dernière position. Et lorsque Lancelot, pour sauver Guenièvre du bûcher, tue les fières de Gauvain, le Roi pleure sans retenue : « Je suis bien plus affligé de la perte de mes chevaliers que de celle de ma gente reine. »









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MON FILS MON ENNEMI



Mordred (Medraut) apparaît dans les textes presque aussi tôt que le guerrier Arthur, puisque dès le Xe siècle leurs noms sont liés dans la mort, sans qu'on sache s'ils sont ennemis ou alliés. Mordred figure parmi les chevaliers de la Table Ronde. Il possède des qualités qui le font élire par le roi comme un de ses neveux favoris : s'il fait de Gauvain son conseiller, il élève Mordred à la régence.

Sa mère, Anna, Morcade, Morgause, ou même Morgane, est toujours la sœur du roi, et Mordred est quelquefois le neveu d'Arthur, d'autres fois son fils. Lorsque Mordred, déjà dans son âge mûr, s'empare du trône d'Arthur, il se révolte contre un règne qui a trop duré, que souille l'adultère, et contre un roi sans vigueur. Il réclame son héritage, mais s'en empare par traîtrise. Car la figure de Mordred, d'abord honorable, devient peu à peu inquiétante, puis destructrice enfin.



Pour mieux s'assurer la royauté, il veut épouser Guenièvre. Les auteurs les plus anciens affirment qu'elle aime Mordred. L'affaire, ensuite, devient moins évidente : tantôt elle se laisse couronner aux côtés de Mordred, tantôt elle se réfugie dans un couvent après avoir envoyé un messager prévenir le roi.

Guenièvre n'est pas la seule à se laisser tenter par Mordred : bien des chevaliers, espérant de nouvelles aventures, déçus par une sombre fin de règne, oublieux de la grandeur d'Arthur, suivent à la bataille Mordred qui aligne des troupes deux fois plus nombreuses que celles du Roi, et dans lesquelles figurent en nombre Pictes et Irlandais. Signe que même dans le monde de la Table Ronde le mal reste plus séduisant que le bien? Lorsque Arthur transperce le corps de son fils, ,"un rayon de soleil passa à travers la déchirure de la plaie." Fugitif retour de la lumière ? .

Toujours est-il que le monde surnaturel repousse Mordred et lui refuse le passage vers l'Autre Monde : au moment où Arthur monte à bord de la nef des fées, Mordred gît, sans vie, sur le sol de la plaine de Salesbières. Personne n'a jamais prédit son retour.









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MORGANE MA SOEUR



Arthur a-t-il trois, six ou neuf sœurs? Morgane est-elle l'une d'elle ? Est-elle la sœur amante avec qui il engendre Mordred? Son visage se multiplie et se déforme. Élève de Merlin qui l'aime, Morgane est la seule qui puisse rivaliser avec lui car leurs pouvoirs sont de même nature : habiles médecins, ils prophétisent l'avenir et peuvent se métamorphoser et se déplacer plus rapidement qu'aucun mortel.



Semblable aux prêtresses des anciennes religions, elle passe le plus clair de son temps loin de la cour, dans ses refuges forestiers, ou dans son vrai domaine, l'île d'Avalon où elle approfondit son savoir. La marque de l'Autre Monde est plus forte chez Morgane que chez Arthur. En elle, héritière des déesses, subsiste l'archétype des fées des légendes celtiques. De la divinité qu'elle fut, elle a gardé les pouvoirs, les fonctions multiples et parfois contradictoires.

Il en est ainsi de son attitude vis à vis du Roi : tantôt elle cherche à le combattre, voire à le tuer ;
tantôt elle le soigne, le conseille, veille sur lui. Au temps de sa rivalité avec Arthur, elle lui vole Excalibur, tente de le tuer, emprisonne ses chevaliers, lui révèle son infortune conjugale en le menant à la chambre aux images où Lancelot, qu'elle a gardé des mois prisonnier, a peint avec réalisme les épisodes de ses amours avec la Reine.

Capable de terribles colères, elle ne connaît pas le pardon. Elle soumet Guenièvre au test de fidélité, et défend l'honneur Arthur. Elle punit le mensonge, le parjure, et le crime de lèse-majesté. L'enchantement du Val sans Retour, pour cruel qu'il semble, ne frappe que les chevaliers infidèles. Ceux qui ont respecté leur engagement envers leur bien-aimée n'ont rien à craindre des enchantements de Morgane.



Elle apparaît enfin comme la dame elfique à qui Merlin et Barinthus confient le Roi mourant afin de le maintenir en vie. Cette mission - elle y est bien la sœur du roi - Morgane la conserve dans tous les récits qui content la fin d'Arthur et son départ pour le monde surnaturel.









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LE GARDIEN DE LA COUTUME



A la Table qu'il a créée suivant la parole de Merlin, le Roi ordonne, consacre, dit le rite et le temps, intronise et conserve la coutume. « Arthur reçoit les visiteurs, leur accorde les dons demandés, les introduit dans la chevalerie, et ses dons sont générateurs d'aventure. »

A Camaalot et à la Table Ronde, « ronde comme le monde et qui tournoie comme lui », le roi Arthur est le maître de l'espace et du temps. Les fêtes se calquent sur la marche des astres et les repères du calendrier liturgique, et le Roi met en ordre et accorde, à travers elles, la vie des hommes et le temps sacré dans lequel ils évoluent.

Arthur a instauré l'usage d'écouter les récits des chevaliers à leur retour de quête. Toute aventure ne commence à exister que lorsqu'elle a été racontée à la Table Ronde. En les écoutant, le roi fait exister les exploits : la parole dite garantit l'aventure et la valeur de celui qui l'a vécue. Arthur a voulu la Table Ronde comme un lieu de transmutation : le sauvage y devient civilisé et l'ennemi y devient le fière. Les chevaliers envoient vers Arthur leurs nobles adversaires vaincus pour qu'ils témoignent de la gloire de leur vainqueur, donc de celle du monde arthurien. En échange, le Roi les absout de leur violence passée et les admet à la Table Ronde.

Le Roi s'est instauré gardien de la coutume qui fait perdurer les vieux rituels, comme la chasse au Blanc Cerf ou l'usage de ne jamais passer à table tant qu'un signe ou un prodige n'a pas été envoyé aux chevaliers. Arthur rappelle ainsi la primauté du spirituel sur le matériel, et officie comme le premier célébrant du mystère de la Table.



Forces vives au service des enchantements, les chevaliers quittent le royaume central de Camaalot et son cœur vivant pour emprunter l'immatériel chemin qui va d'un réel à l'autre, de la terre des hommes à celle des fées. Le passage à la Table Ronde leur insuffle l'ardeur et la foi nécessaires à la voie solitaire, et les prépare à un monde où il faut tout attendre de ce qui est derrière l'apparence des choses.









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LE ROI OURS



Dans les romans médiévaux, le roi porte le nom d'Artus (« ainsi fut engendré le bon roi qui eut pour nom Artus»), forme romane d'Arthur, et les Bretons l'appellent Arzhur. Dans tous les cas, l'origine du nom du grand roi a donné lieu à de bien savantes contorsions pour le faire passer dans le moule de la romanité. Or dans le roman arthurien, pratiquement tous les noms sont d'origine celtique, et celui du Roi ne fait pas exception.

Il relève d'une étymologie commune à toutes les langues celtiques, issue du mot artos, l'ours, qui signifie aussi la pierre. Dans une autre contrée du domaine indo-européen, les Grecs associent en un mot très voisin, arctos, le nom de l'ours et celui du nord. A l'origine des légendes arthuriennes, nous dit Christian-J. Guyonvarc'h, l'ours, le nord et la pierre se trouvent donc mêlés en un symbolisme royal très ancien. Dans la société celtique, l'ours était l'emblème du roi-guerrier, alors que le sanglier était celui du druide.

Le sommeil dans lequel est plongé Arthur en Avalon évoque aussi l'hibernation de l'ours dans sa caverne : les Irlandais situaient sous les tertres le Sidhe, l'Autre Monde. Le rythme de la cour arthurienne suit l'alternance saisonnière : des hivers au fond des palais, et le réveil de l'aventure dictée par le roi à la Pentecôte.

Wace raconte comment Arthur vit en rêve un dragon vaincre un ours en plein ciel. Arthur s'affrontant lui-même ? Serait-ce la trace d'un rituel primitif où le Pendragon tue l'ours pour mieux s'approprier sa nature ? Ou le signe de son passage de la fonction guerrière à la fonction royale ?

Après Salesbières, Arthur, mourant, serre contre lui son échanson, Lucan-le-Bouteiller, avec tant de violence que celui-ci meurt étouffé dans cette étreinte qui évoque l'ours au combat, et rappelle la transe guerrière qui rendaient invincibles les berserkers, les guerriers-ours des traditions nordiques. Même les étoiles se mettent de la partie, puisque la Grande Ourse porte aussi le nom de Chariot d'Arthur. Ainsi autour du nom d'Arthur se profile toute une constellation d'images liées au très ancien mythe du roi ours.









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ARTHUR ET LE GRAAL



Dans les premiers textes arthuriens, le Graal n'apparaît pas. Chrétien de Troyes, le premier à le mentionner, le relie au roi Arthur parce que le jeune Perceval, qui a voulu devenir chevalier de la Table Ronde, a ainsi rencontré le Graal sur son chemin. Jamais le roi Arthur ne s'en va lui-même à la quête du Graal, alors que les héros celtiques partaient à la conquête des trésors de l'Autre Monde. Signe qu'Arthur et le Graal n'appartiennent pas au même univers ? En une seule occasion, dans le roman de Perlesvaus Arthur voit le Graal, et sous cinq apparences différentes, mais sans en recevoir la grâce.



A partir du XIIIe siècle, les auteurs unissent les deux thèmes. Avec eux le héros du Graal, qu'il se nomme Perceval ou Galaad, doit venir de la Table Ronde. Et c'est à la Table Ronde que se trouve le Siège Périlleux destiné au meilleur chevalier du monde. Lorsque le jeune Perceval a conquis le droit de s'asseoir sur le Siège, la terre crie et la pierre se fend : les forces surnaturelles reconnaissent Perceval comme futur roi du Graal. En la circonstance, la Table Ronde joue le rôle de la pierre de Tara dans l'intronisation des rois d'Irlande.

Hormis le château de Corbenic, où se tiennent les gardiens du trésor divin, la Table Ronde est le seul lieu gratifié d'une apparition du Graal. Dans un étonnant mélange de merveilleux chrétien et de féerie se succèdent le tonnerre, un intense rayon de lumière, un parfum délicieux ;
puis le vase voilé de blanc flotte dans les airs, guérit les blessés, remplit les assiettes. Sous une autre forme, ce sont encore les prodiges de l'Autre Monde qui entrent à Camaalot.

Lorsque les chevaliers, sous l'impulsion de Gauvain, s'en vont vers la Quête, le Roi pleure ouvertement leur départ et un temps qui ne reviendra plus. Car Arthur considère à juste titre la Quête du Graal comme la fin de la Table Ronde. Le château de Corbenic remplace le palais de Camaalot dans l'idéal des chevaliers, et leur retour auprès d'Arthur ne ramènera pas le temps des enchantements.









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LA CHASSE ARTUS



Une chasse sauvage, cohorte de revenants et de spectres, traverse parfois le ciel, annonciatrice de grands malheurs. Il lui arrive de descendre sur la terre, et mieux vaut l'éviter, car les damnés qui la composent sont prompts à s'emparer des vivants. Elle porte selon les régions le nom de Chasse Sauvage, Chasse Gallery, Mesnie Hellekin, Chasse Artus. Au XIe siècle, Orderic Vital est le premier à la décrire avec force détail. Deux autres témoins indirects, Etienne de Bourbon et Gervais de Tilbury sont formels. Le premier précise qu'un paysan, ayant interrogé ceux du funeste cortège, s'entendit répondre qu'ils étaient tous de la famille du roi Arthur. Le second écrit: « Dans les forêts de Grande ou de Petite Bretagne, les gardes forestiers... racontent qu'ils voient très souvent... dans la première partie de la nuit quand brille la pleine lune une compagnie de chevaliers qui chassent dans le vacarme des chiens et des cors. ... Ils sont de la suite et de la maison du roi Arthur. »

Au matin des combats, les Bretons voyaient défiler sur les crêtes rocheuses des Monts d'Année l'armée du roi Arthur : Hersart de La Villemarqué le signale en introduction à la Marche d'Arthur (Bale Arzur) : « C'est l'armée d'Arthur je le sais ;
Arthur marche devant en haut de la montagne. »



La Chasse Artus réunit sous le nom du roi de Table Ronde deux grands thèmes légendaires et folkloriques, celui de l'armée infernale, de l'armée des ombres, et celui du chasseur maudit. Ces très anciennes légendes ont sans doute été détournées par le christianisme qui a transformé les figures originelle- ment divines - dieux des morts ou dieux des vivants - en damnés en éternelle errance. Si dès le XIIIe siècle les deux thèmes sont associés, entraînant dans leur sillage d'autres figures, comme la légende anglaise d'Herne le Chasseur ou celle du Veneur Noir, leur origine remonte à des temps beaucoup plus anciens. Souvenir d'un demi-dieu galopant à la tête d'une troupe fabuleuse, la Chasse Artus renvoie aussi aux Walkyries et au grand dieu Odhin, guerrier et voyant - comme Arthur lui-même.









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LE ROI LE PLUS SEUL



Le roi Arthur est entouré de l'amour de son peuple, du dévouement et de la fidélité de ses chevaliers, mais son seul ami, c'est Merlin. Merlin n'est pas pour autant une présence permanente auprès du roi. Il lui a toujours dit que parfois il se retirerait, dans la forêt ou ailleurs, et qu'il ne faudrait pas le retenir. Qu'enfin, le jour venu, il partirait, laissant Arthur dans une solitude que rien ne viendrait plus rompre.

Car Arthur est le roi le plus seul. Il n'a pas connu son père. Sa mère, un temps retrouvée, est devenue ce fantôme aux blanches tresses enfermée avec sa fille et sa petite-fille à Champguin. Avec Antor et Kay, la famille de son enfance, la royauté a créé un infranchissable fossé.



La fonction royale l'éloigne du monde des guerriers auquel il appartient de droit. Il doit se garder pour le sacerdoce royal, assurer sa fonction de distributeur de richesse, et rester le spectateur passif de l'aventure que vivent ses chevaliers.

Ses autres attaches familiales ne lui apportent pas non plus la sécurité ou la joie. Morgane, sa sœur trop aimante, trop jalouse, s'éloigne de la cour, tente de lui reprendre un pouvoir dont, pense-t-elle, il l'a dépouillée. Guenièvre offre à tous le visage de la plus belle et de la plus noble des reines, mais si le respect et l'affection qu'elle éprouve pour son époux et le soin de sa gloire sont réels, son amour, va vers un autre.

L'union d'Arthur et de Guenièvre ne porte pas de fruit. Cette paternité légitime qui lui est refusée lui revient par des voies tortueuses, entachée de bâtardise, incestueuse même avec l'enfant qu'il engendre dans une nuit d'amour avec sa sœur. L'existence de Mordred, de douloureuse, devient insupportable car c'est par lui que vont advenir la trahison et la mort du royaume. Arthur se retrouve seul face à l'insupportable contradiction d'avoir, lui qui combat pour les forces du bien, engendré l'artisan des forces de la destruction.









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QUONDAM ET FUTURUS



La naissance merveilleuse d'Arthur laisse augurer une fin qui ne le sera pas moins. Le destin du grand roi impose une disparition différente de celle d'un simple humain, car le principe de royauté doit survivre à travers lui.

Après la dernière bataille, Girflet, l'écuyer d'Arthur, aperçoit au travers d'une pluie de déluge le Roi en armes, tenant son cheval. Il s'embarque à bord d'une nef blanche sur laquelle se trouve Morgane. Et cet embarquement, dans tout l'apparat du guerrier, rappelle le départ vers l'au-delà des héros celtiques ou nordiques. Arthur, son cheval et sur la blanche nef, Morgane, l'écuyer les a vus. Le lendemain pourtant, Girflet découvre la tombe du roi dans la Noire Chapelle. Tombe vide ? Traditions inconciliables ?

Dans l'île d'Avalon, Arthur est entré en dormition, ainsi que quelques empereurs comme Charlemagne ou Barberousse, certains saints, ou la Vierge Marie. Les contes gallois et écossais évoquent des cavernes où des bergers ont contemplé le roi endormi;
des Italiens l'ont vu sous l'Etna. Geoffroy de Monmouth l'écrit : le roi, mortellement blessé, fut transporté en l'île d'Avalon pour soigner ses blessures. Et la tradition la plus ancienne assure que la tombe du roi Arthur « ne se voit nulle part ». Là ne s'arrête pas la légende. A la fin du XIIe siècle, Layamon évoque avec précision le départ d'Arthur vers Avalon auprès de la fée qu'il appelle Argante, et il ajoute la promesse que le roi reviendra un jour, pour ses Bretons : « Les Bretons croient encore qu'il est vivant et qu'il habite en Avalon avec la plus belle des fées, et toujours depuis ils attendent son retour. » '

Comme l'ours mythique, Arthur hiberne en attendant des temps meilleurs. Un jour, il se réveillera pour sauver ses fidèles sujets des deux Bretagnes du joug des oppresseurs. Dimensio
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Message par  Sam 3 Avr 2004 - 22:51

Cela a l'air d'étre interressant, dommage que ce soit loin de chez moi, j'y serai aller avec grand plaisir. Pour ceux que cela intérresse jean Markale a écrit un cycle arthurien qui est pas mal du tout. Une question qui mérite d'étre posé: Arthur at-il réellement éxisté
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Message par Baalberith Sam 3 Avr 2004 - 23:05

je ne suis pas spécialiste de la question, mais à mon avis deux choses:

_ soit il a exisé mais il n'était qu'un petit chef guerrier, comme souvent à cette époque

_ soit il n'a jamais existé et il n'est qu'une légende de plus ds la longue tradition des contes celtes, ce ke je pense plutôt...
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Message par  Sam 3 Avr 2004 - 23:28

Je dirais plutôt que c'était un chef de guerre qui a éxisté à l'époque des invasions saxonnes et comme il a réussi à résister, on en a fait un mythe.
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Message par Baalberith Sam 3 Avr 2004 - 23:31

certes, mais tu sais comme moi que ça n'a pas été le chef ou roi le plus résistant (aux autres ou aux Vikings), Offa et compagnie ont qd même laissé une vraie trace dans les livres et auteurs (Bède le Vénérable et cie), alors pkoi n'a-t-on aucune trace tangible de cet Arthur??
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Message par Necrowarrior Sam 3 Avr 2004 - 23:38

Il faut savoir que les celtes n'étant pas une nation à proprement parler, le fait de les unifier pour combattre un ennemi commun était un haut fait en soi.



A mon avis, il a existé, et c'était un chef païen, toutes ces légendes n'ont été christianisées que bien plus tard... la symbolique païenne celte est présente dans ces légendes en de nombreux points qui sont complètement incompatibles avec le christianisme...



Par exemple la fée Vivianne est très proche dans la description de Ceridwen, le graal et la puissance qui est est associée est très évocatrice du chaudron sacré, qui était une sorte de porte avec le monde des morts et des esprits... même Morgane est très proche de la divinitée Morrigwen (ou Morrigu)... bref il est toujours intéressant de retrouver la couleur du paganisme originel de ces légendes, derrière une couche de laide peinture chrétienne qui s'écaille avec le temps....
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Message par  Sam 3 Avr 2004 - 23:50

D'accord avec toi Nécro, il y a même des similarités avec le panthéon germanique:Bedwyr est un guerrier manchot dans la mythologie galloise, il se rapproche de Tyr(dieu de la guerre) qui perdu un bras à cause de Fenrir. On voit Bedwyr aussi dans le cycle du Graal, il fait parti des proches d'Artur, c'est lui qui était le dernier au côté du roi avant qu'Artur aille à Avalon. Un autre personnage dans le même genre:Kai le frère de lait d'Artur que certain rapproche de Thor.
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Message par Baalberith Dim 4 Avr 2004 - 0:02

vous savez, toutes les mythologies occidentales ont des points communs. je connais très bien la mythologie greco-romaine et quand je me suis mis à découvrir la mythologie nordique, j'ai été frappé de constater le nb de similitudes qui existaient. par exemple, le mythe de Siegried invincible grâce au sang d'un dragon sauf à un seul endroit couvert par une feuille et tout à fait équivalent à celui d'Achille plongé dans le Styx par sa mère afin d'être invincible, sauf à l'endroit du talon, par lequel elle le tenait. tous els deux sont morts à cet endroit précis, guidé par la main divine...
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Message par  Dim 4 Avr 2004 - 1:04

mythologies occidentales


Hum, c'est pas pour pinailler mais je préfère le terme de "mythologies européennes" (voire "indo-européennes" même), qui est à mon avis bien moins flou... (Un texte portant sur la différenciation et sur l'opposition "Europe/Occident" sera d'ailleurs prochainement mis en ligne dans la rubrique identitaire :wink:).


vous savez, toutes les mythologies occidentales ont des points communs


Exact. Pour tous ceux que cela intéresse, se reporter aux travaux de Georges DUMEZIL...
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Message par Baalberith Dim 4 Avr 2004 - 1:17

indo-européennes, oui, tt le monde aura compris ce que je voulais dire ici...
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Message par  Dim 4 Avr 2004 - 23:13

Je conseille un super film traitant du sujet:"Excalibur" de Boorman.
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Message par Necrowarrior Lun 5 Avr 2004 - 6:42

hum, quand je pense que nombre de personne disaient qu'on ne peut traiter le seigneur des anneaux en seulement 3 films, même longs, alors j'imagine à quel point les légendes Arthuriennes ont duent être amputées... En plus, le roi Arthur vu par Hollywood...arg!



par contre, pour ceux qui veulent visiter un peu Brocéliande (version armoricaine): http://www.broceliande-pays.com/
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Message par  Lun 5 Avr 2004 - 10:13

C'est vrai que le film est court mais il garde bien l'esprit arthurien, Boorman n'est pas un auteur hoolywoodien, c'est lui le réalisateur de la forêt d'émeraude.
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Message par  Mer 7 Avr 2004 - 0:04

c un film excellent, et qui présente bien la disparition du paganisme. Je conseil.
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