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Des indo-européens

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Necrowarrior
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Des indo-européens - Page 3 Empty F(r)iche de lecture

Message par  Mar 16 Déc 2008 - 0:44

Bernard Sergent. 1995.

« Les Indo-Européens: Histoire, langues, mythes. »

Bibliothèque Scientifique. Éditions Payot &
Rivages. Paris.




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Il m'a fallu un peu de temps, mais j'ai lu cet ouvrage assez complet de Bernard Sergent intitulé "Les Indo-Européens. Histoire, langues, mythes."

Puisque je n'en ai pas trouvé la référence ni dans ce débat, ni sur forum, j'en ai fait une fiche de lecture, sans prétentions aucunes, pensant apporter quelque chose, ou au moins enrichir, réactiver, pousser plus loin le débat.

Ne devrais-je cependant pas dire "friche de lecture", tant le terrain reste à déblayer, tant il me reste à comprendre sur un sujet qui m'est apparu démesurément plus vaste et complexe que ce que je m'imaginais? :mrgreen:

Suite à nos discussions ainsi qu'à nos préoccupations dans ce débat, j'ai extrait des éléments à propos des Indo-Européens (IE) que je souhaite tous pertinents, mais dont je sais certains impertinents...

Je me suis attaché à rester le plus objectif possible, ait souvent cité de gros passages en évitant de décontextualiser le propos. Inutile pour moi d'appuyer telle ou telle thèse, j'ai choisi un auteur qui est très critique envers une certaine vision des IE. Il n'est peut-être pas objectif, mais il a pour avantage de ne pas faire entorse aux règles de base du débat scientifique, de fournir une réflexion critique, nuancée, enrichie d'une quantité impressionnante de sources. Voilà pour mon opinion: les spécialistes du domaines jugeront mieux que moi, je n'en ai aucun doute.



Cette somme présente une grosse partie sur la linguistique et fait comprendre -au dépens de la patience du lecteur- que "indo-européen" est bien un concept linguistique (comme certains ici l'avaient soulignés d'entrée de jeu)...

Suite à un historique de la recherche dans le domaine, l'auteur étend ses propos aux peuples et différentes langues IE. On sent déjà ici la complexité du sujet: une myriade de langues, dont on ne sait pas tout, certaines restées intraduisibles, d'autres au statut peu clair, des interactions, influences, mélanges en long en large, des groupes, des familles, des sous-familles etc. A en perdre son latin! ...Ou latino-falisque?

Je passe aussi sur les détails de la reconstruction de la langue IE.

Ce qui m'intéressait, évidemment, c'est tout ce qui avait trait à la culture, aux valeurs surtout. Toujours à partir de la langue (oui!), l'auteur développe de nombreux thèmes comme l'agriculture, les techniques, l'habitat, la famille (les parentés), les ethnonymes, la religion, les institutions (guerriers, royauté etc.), la trifonctionnalité, les mythes, les rites etc.



Comme points assez surprenant (pour moi, béotien d'entre tous), je note le chapitre sur l'"Avortement et infanticide" où l'on apprend que "les peuples indo-européens anciens (et encore actuels, en Inde) ont pratiqué massivement l'élimination des enfants [...] surtout les filles" nous dit l'auteur. Quant aux garçons, fait intéressant, "dans de nombreux peuples, le nouveau-né est plongé dans de l'eau si possible froide: il s'agit de l'endurcir dès le début et de lui faire subir une épreuve pour vérifier, s'il est un garçon, sa future solidité [...]."

Le statut de la femme, des points ayant trait à l'anthropophagie, à certains rituels, à des sacrifices (description de Ibn Fadlân et autres) ne m'ont pas semblé être des valeurs et des coutumes auxquelles je puisse m'identifier. Pourtant, ne m'est pas venu à l'esprit une envie de condamnation, de rage etc. Il semble simplement que les IE aient été un peu comme beaucoup d'autres civilisations sur terre (Amérindiens par ex.).

La partie sur les ethnonymes est particulièrement amusante quoique tirant en longueur. Des peuplades se nommaient ainsi: "les forts", les "brillants", les "rusés", les "très belliqueux" (ces derniers viennent bien sûr de ma région natale... ce qui m'a valu quelques éclats de rire), les "terribles", ou autres noms d'animaux etc. Cela a un côté comique, très groupal, extraordinairement fier. Il semble que l'identité des groupes, des peuples était très forte.

Entre autres points étonnants, on découvre l'omniprésence de "substances intoxicantes" chez les IE (comme sur toute la planète il me semble), l'anthropophagie rituelle, l'élimination des vieillards, les jeux (jeux de balles déjà bien présents!;
le hockey aussi!), ainsi que la musique.



Restons sur ce dernier point, puisque ce sujet nous a enflammé;
je cite l'auteur: "Toutes les formes anciennes de musique du monde indo-européen ont disparues, sauf en Inde, où elles ont au contraire foisonné. Il est donc impossible de parler d'une"musique comparée" indo-européenne, du moins quant aux mélodies. [...] En attendant, des études comparées ont pu porter sur les gammes, tandis que l'"ethnohistoire" comparée permet de discerner que les peuples indo-européens anciens avaient en commun certain nombre de formes d'instrument de musique." (et l'auteur de citer: harpe ou cithare, la flûte, le cor, la trompette, le tambour). Cor et trompette sont bien attestés, le premier étant même originel. alors que "[les] instruments à percussion sont mal attestés dans le monde indo-européen." En effet, "aussi paradoxal que cela soit, les Proto-Indo-Européens" paraissent donc avoir ignoré les instruments à percussion. Ou du moins ils ne leur ont accordé aucun prestige dans leur culture."

L'auteur dit enfin: " il faut souligner en tout cas l'extrême importance de la musique dans le culture, dans la guerre et dans la vie quotidienne, chez les peuples indo-européens, anciens: Anatoliens, Grecs, Indiens, Phrygiens, Latins, Celtes."

De ce qui ressort de cette partie je retiens que "l'archéologie de la musique est difficile [pour les gammes en tout cas]", que peu d'instruments sont attestés (je trouve qu'il n'y en a pas beaucoup, et comment recréer la richesse des instruments et de la musique médiévale sur cette base?) et qu'il semble que ce soit surtout "l'ethnohistoire" qui atteste les instruments IE, l'auteur ne faisant aucunement allusions à des preuves archéologiques (qui existent pourtant sûrement: j'imagine qu'on a du trouvé des carnyx?!).



Après des chapitres entiers sur les institutions royales, guerrières, juridiques, l'auteur évoque bien entendu, dans la partie "Religion", la fameuse trifonctionnalité en expliquant que, plus que l'organisation sociale, il s'agit d'une vision du monde à part entière. Fort intéressant, mais cela va loin du sensationnalisme de certains autres indo-européanisants actuels. L'auteur a le mérite de se limiter aux faits, quitte à ce que ses propos soient concrets ou techniques, toujours pragmatiques, complètement avares de "sensationnel" (Ou, le "sensationnel" apparaît tout au plus par le dévoilement de la méconnaissance et des préjugés/représentations propre au lecteur, et non dans les propos de l'auteur).

Quoi qu'il en soit, je n'en ai pas tiré de valeurs très intéressantes. À vrai dire, de valeurs je n'en ai que peu croisées, et la plupart collent à l'environnement et au mode de vie de ces peuples, qui n'ont plus grand chose à voir avec les nôtres. Il s'en suit une impression ni de dégoût, ni d'idéalisation, mais d'étrangeté en face de ces peuples, qui sont pourtant nos ancêtres... Il est difficile de se faire une image très concrète et très précise de leurs valeurs, de leurs façon de penser. Quand on dispose de quelques éléments, cependant, on les sent étranger, on peine à les intégrer à notre référentiel socio-culturel, trop engoncé qu'on est dans notre façon de penser. J'ai l'impression d'un gouffre qu'on ne peut combler entre eux et nous, bien qu'on devine de mieux en mieux l'autre rive...



Vient enfin la partie sur "L'archéologie et les indo-européens". Cette partie est plus technique et difficile: plein d'éléments se surajoutent. Culture de ceci et de cela, type de céramique et autres détails techniques. On les comprend, mais la façon dont ils s'articulent n'est pas claire. Du reste l'auteur confirme l'impression que l'on a en lisant son livre: le sujet est trop complexe pour être compris entièrement par un seul cerveau (ou quelque chose du genre). Oui, le sujet est affreusement complexe!



L'auteur se permet la phrase suivante avec un signification étonnamment générale: "Plus on remonte archéologiquement dans l'Antiquité d'un peuple, moins il est certain que les cultures évoquées appartiennent uniquement à ce peuple..." Cela ne peut que questionner les questions identitaires liées aux peuples anciens.

L'utilisation du terme "culture" me fait penser aux nuances que l'auteur fait entre le fait de parler une langue, d'appartenir à un certain peuple et à une certaine culture. J'en arrive à comprendre la langue et la culture IE comme suit: de la même façon que la culture anglo-saxonne est répandue dans des endroits différents, auprès de peuples et de cultures différentes, l'IE devait aussi recouvrir des cultures et des peuples différents.

Quant à la race, l'auteur s'applique à réfuter certaines idées qui y sont liées. "Tous les peuples indo-européens dans l'Antiquité sont de "race" blanche et de types divers. Tous les squelettes identifiable de l'Europe néolithique sont de type europoïde, et ils sont en général, même dans une culture déterminée, également divers. Il est donc hasardeux de chercher quelle était la "race" des Proto-Indo-Européens: le terme désigne une ethnie, et donc une population a priori polymorphe." A priori, il n'y a pas d'unité "raciale" chez les IE dans l'Antiquité, reste à savoir si ce n'est que dans l'Antiquité...

"Auparavant, réglons son compte à un mythe raciste qui, hélas! a la vie dure. La propagande nazie a répandu le thème d'une origine nordique des Indo-Européens. Rien , dans la linguistique et dans l'archéologie, ne l'autorise. Et pourtant, l'idée qu'on croyait frappée à mort par la chute du IIIème Reich, refait surface actuellement." (sic!)

Plus tard, l'auteur continue: "C'est une thèse absurde. On connaît son axe: l'équation "Indo-Européens = Germains primitifs = race nordique" une fois posée, elle se renforce aislément de ce qu'on trouve des blonds voir des individus aux yeux bleus mentionnés par les source anciennes parmi les aristocrates de plusieurs peuples indo-européens anciens, et de ce que , dans les traditions, dieux et héros éminents sont souvent qualifiés de "blonds" ou "roux"." Ensuite, l'auteur s'attache à expliquer ces attributs physiques mythiques par une signification symbolique colorée liée à la trifonctionnalité, tout en déniant toute réalité anthropologique "raciale".



Pour ceux que le concept de "race" intéresse, l'auteur cite les recherches effectuées sur des ossements d'indo-européens anciens par Roland Menk qui, "dépassant le concept, aujourd'hui mis en questions par la génétique, de "race", s'est attaché à définir les relations anthropologiques entre squelettes découverts dans les sépultures en fonction d'une "analyse multivariée" dont l'aboutissement est la formation de dendrogrammes marquant les écarts et les affinités entre "groupes" (clusters) localement définis". Émergent deux vastes ensembles principaux: "l'un occidental de l'Atlantique à l'Ukraine de l'Ouest, formés de méso- ou dolichocrânes graciles, moyens ou grands[, l]'autre est oriental, formé d'hommes robustes, grands, mésocrânes, dont les traits rappellent le type défini naguère comme "cro-magnoïde"."

Selon Roland Menk "les hommes des kourganes devaient provenir d'Asie centrale". Or, Marija Gimbutas pense que les hommes des kourganes se sont répandus en raids sur la "Vieille Europe" et que leur type s'est mêlé à celui de la "Vieille Europe".

Et B. Sergent d'appuyer: "[les] types qui émergent au chalcolithique et au bronze, issus de ce mélange, assurément complexe puisqu'il dépendait non seulement des mouvements issus des steppes, mais ensuite des mouvement des cultures elles-mêmes formées par ces groupes avec les populations "Vieille Europe" envahies, représentent avant tout, anthropologiquement, des modifications du type "Vieille Europe"."

"Ainsi, il y a contraste complet entre l'indo-européanisation de l'Europe, qui a été presque totale, et l'apport humain des gens des steppes qui, minoritaires dans toutes les régions où ils se sont installés au chalcolithique et après, se sont noyés dans la population indigène toujours relativement plus dense."

J'en retire que le concept linguistique d'"indo-européen" ne correspond pas à une "race", mais à un gros mélange de diverses "races" ou plutôt clusters.

L'auteur critique ensuite la politisation du sujet: "Où il apparaît combien il est vain de chercher à s'identifier à un peuple disparu il y a sept mille ans. Le racisme et le nationalisme du XXème siècle ont pris un bien mauvais chemin en le faisant."



Dernier point intéressant, car il nous ramène à des questions identitaires, et plus uniquement "raciales": "Y eut-il un nom des Indo-Européens?"

L'auteur parle d'"ethnique": si je comprends bien il s'agit de l'autoethnonyme (le nom par lequel les tribus s'appelaient). Aux spécialistes de me corriger.

Des deux ethniques supposés, il y a Venetes qui est plutôt un hétéroethnonyme et n'intéresse donc pas l'auteur pour cette question.

L'autre est le nom des Arya. C'est "le terme dont se désignaient, celle fois "nationalement", les premiers habitants indo-européens de l'Inde, de l'Iran et au-delà, de deux tribus scythes[...] Le problème est de savoir si l'on peut aller au-delà. C'est-à-dire: y a-t-il des traces de cet ethnique ailleurs que dans le groupes indo-iranien?"

Après quelques citations, l'auteur explique Guyvonarc'h et Dumézil ont abandonné, même comme simple hypothèse, cette équation "si précieuse aux anciens indo-européanisant. Indo-Européens = Aryas (Aryens)." Et l'auteur d'ajouter: "Cela sonne le glas de l'identification Arya = Indo-Européens."

Reste à savoir si socialement, culturellement ou idéologiquement, les Indo-Européens jouent un rôle comparable à celui qu'ont joué les Aryens il n'y a pas si longtemps.

Ce qui est intéressant c'est qu'il n'y a pas de reste clair d'autoethnonyme. On peut donc se demander si les peuples indo-européens, voire les peuples indo-européanisés, influencés par cette culture et cette langue, n'ont jamais eu d'autoethnonyme exprimant leur appartenance "indo-européenne". Cela soulève des doutes quant à l'existence d'une identité indo-européenne chez ces peuplades...



Pour terminer, j'aimerais souligner ce que dit l'auteur dans sa conclusion. Il aimerait "faire voir aux historiens, préhistoriens, aux archéologues et à tout un chacun que l'étude des Indo-Européens, celle de la prodigieuse interférence entre ces conquérants issus des steppes russes et les hautes civilisations néolithiques de l'Europe danubienne sont la clef de la compréhension de la genèse des peuples européens."

Dans ce propos, il me semble que le mot "interférence" est capital. Cela coupe court à toute représentation de notre culture comme provenant d'une seule culture ou influencée par une seule culture. Il y a chaque fois un mélange, des interférences. L'Europe n'est pas plus Indo-Européenne qu'elle n'est liée aux civilisations néolithiques déjà installées... De même, elle n'est pas plus chrétienne que païenne etc. Qu'on le veuille ou non, dans les faits, la culture est le fruit d'un mélange. C'est après que se construit une identité unitaire à partir d'un matériel hétérogène.

Ainsi, ma remarque principale sur l'utilisation (récupération?) du concept d'indo-européen par de nombreux groupes, organisations, est qu'il est vain de tordre les faits pour affirmer que nous sommes des indo-européens, culturellement ou 'racialement'. Il est plus honnête de simplement parler de construction d'une identité, de reconstruction, comme certains parlent non de paganisme, ni même de néopaganisme mais de "recopaganisme", c'est-à-dire d'un paganisme reconstruit. Voilà tout.



Les lignes précédentes sont mes opinions: l'auteur ne parle pas de ça.

Par contre, - et je terminerai par là cette fiche de lecture - B. Sergent n'y va pas de main morte dans l'introduction: désolé si ça dissuade certains de lire l'ouvrage, mais il faut être clair sur l'idée de l'auteur, et je ne pense pas que cela nuise à la scientificité de son travail.

« En revanche, il est exacte que le XXème siècle a vu – c'est connu et déplorable – une authentique pollution d'origine politique du champ indo-européen. Depuis que dans les années vingt, les nazi, suivant un courant nationaliste allemand remontant au début du XIXème siècle, ont utilisé le vocabulaire et les concepts des indo-européanisants en y triant, bien sûr, ce qu'ils voulaient y trouver, des courants mi-politiques mi-scientifiques – tels, en France, celui qui est à l'origine du fameux Centre d'études indo-européennes de l'université de Lyon-III, maintenant l'idéologisation national-socialiste du domaine de la recherche en question. Longtemps discrets, clandestins même au lendemain de la guerre, cantonnés au second plan tant que ce terrain était dominé, en notre pays, par des personnalités comme George Dumézil ou Émile Benveniste, ces idéologues tentent aujourd'hui, porté par le renouveau des nationalismes et du racisme, de répandre leurs idées: les ouvrages que je mentionnais comme idéologiques au début de cette introduction leur sont dus, et il y a, surtout, un discours diffusé continuellement par des revues comme celles du GRECE et groupes apparentés qui reprennent à longueur de colonnes les schémas racistes, l'idéalisation des Indo-Européens posés comme « nos ancêtres » - alors que c'est bien plus complexe! -, et tentent de récupérer Dumézil en donnant à ses découvertes un sens au service de leurs thèses. Contre ces idées, contre ces manipulations, il importe d'être parfaitement clair. Je ne m'en priverai pas. Le dossier indo-européen a été par eux pollué, il s'agit donc de le nettoyer. » (Sergent, 1995;
p.12)
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