Bonaparte et l'Egypte, la légende

par **Baalberith** Mar 28 Oct 2008 - 11:44

C'est une expédition gigantesque et insensée, dont le récit a fait le tour du monde. Le 19 mai 1798, une armée française de 50 000 hommes, commandée par un général de moins de 29 ans, partit de Toulon à la conquête de l'Egypte. L'objectif du Directoire était de couper la route des Indes aux Anglais, tout en éloignant de Paris le jeune Napoléon Bonaparte, vainqueur de la campagne d'Italie. Le général, de son côté, savait ce qu'il avait à gagner : "Il faut aller en Orient, toutes les grandes gloires viennent de là."

Commencée par de faciles victoires (prise d'Alexandrie, bataille des Pyramides), l'expédition vire bientôt au désastre : la flotte française est coulée par les Anglais en rade d'Aboukir, les 1er et 2 août ;
le soulèvement du Caire est écrasé dans le sang ;
une épidémie de peste décime l'armée... Le 22 août 1799, Bonaparte repart pour la France en catimini, abandonnant à son sort l'armée d'Egypte, qui capitule le 31 août 1801.

Désastreuse politiquement et militairement (l'influence anglaise dans cette terre ottomane est renforcée, la flotte française a subi de lourdes pertes), l'opération, transformée en épopée héroïque par une habile propagande, a beaucoup fait pour la renommée de Bonaparte, qui prend le pouvoir à son retour en France. Elle a aussi initié une relation singulière entre la France et l'Egypte, qui perdure depuis plus de deux siècles.

L'objet de l'exposition "Bonaparte et l'Egypte", ouverte le 14 octobre à l'Institut du monde arabe, à Paris, est de dépasser l'évocation des trente-huit mois de campagne pour analyser un siècle de fascination mutuelle, de l'égyptomanie des Lumières à l'inauguration du canal de Suez, en 1869.

MANQUE DE PLACE

La dimension militaire de l'expédition est évoquée : on retrouvera par exemple les tableaux monumentaux réalisés par Louis-François Lejeune (La Bataille d'Aboukir, La Bataille des Pyramides) et une impressionnante maquette de L'Orient, le navire amiral coulé à Aboukir. Mais l'essentiel n'est pas là. L'accent est mis sur les témoignages de savants français et égyptiens, de Vivant Denon à l'historien Al-Gabarti. La pièce majeure est l'impressionnante Description de l'Egypte, monument éditorial en vingt volumes publié à l'initiative de Napoléon à partir de 1809, et dont plusieurs planches - superbes - sont exposées.

Si le propos est clair et bien énoncé, on regrettera cependant que son ampleur soit desservie par le manque de place : ainsi, les réalisations françaises en Egypte au début du XIXe siècle ne sont évoquées que par une galerie de portraits et quelques rares gravures et photographies.

On remarquera aussi que le propos, établi par un comité paritaire franco-égyptien, est très consensuel : si l'avant-1798 est décrit de façon très négative, les deux "grands hommes" de l'exposition, Napoléon et Mohammed Ali Pacha, vice-roi d'Egypte de 1805 à 1848, sont dépeints avec bienveillance. Les exactions commises par l'armée d'Egypte sont juste évoquées, tout comme le massacre des Mamelouks par Mohammed Ali en 1811, prélude à sa prise de pouvoir.

De même, la célébrissime formule "Du haut de ces pyramides, quarante siècles vous contemplent", censée avoir été prononcée par Bonaparte en juillet 1798, est rappelée sans un conditionnel. De l'éternelle difficulté de s'affranchir de la légende napoléonienne.

"Bonaparte et l'Egypte : feu et lumières". Institut du monde arabe, 1, rue des Fossés-Saint-Bernard, 75005 Paris. M° Jussieu. Jusqu'au 29 mars 2009, tous les jours sauf le lundi de 10 heures à 18 heures. Tél. : 01-40-51-38-38.

Jérôme Gautheret

~~[url]~~http://www.lemonde.fr/culture/article/2008/10/27/bonaparte-et-l-egypte-la-legende_1111496_3246.html#xtor=EPR-32280155&
ens_id=628867[/url]