Des indo-européens
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Necrowarrior
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F(r)iche de lecture
« Les Indo-Européens: Histoire, langues, mythes. »
Bibliothèque Scientifique. Éditions Payot &
Rivages. Paris.
Il m'a fallu un peu de temps, mais j'ai lu cet ouvrage assez complet de Bernard Sergent intitulé "Les Indo-Européens. Histoire, langues, mythes."
Puisque je n'en ai pas trouvé la référence ni dans ce débat, ni sur forum, j'en ai fait une fiche de lecture, sans prétentions aucunes, pensant apporter quelque chose, ou au moins enrichir, réactiver, pousser plus loin le débat.
Ne devrais-je cependant pas dire
Suite à nos discussions ainsi qu'à nos préoccupations dans ce débat, j'ai extrait des éléments à propos des Indo-Européens (IE) que je souhaite tous pertinents, mais dont je sais certains impertinents...
Je me suis attaché à rester le plus objectif possible, ait souvent cité de gros passages en évitant de décontextualiser le propos. Inutile pour moi d'appuyer telle ou telle thèse, j'ai choisi un auteur qui est très critique envers une certaine vision des IE. Il n'est peut-être pas objectif, mais il a pour avantage de ne pas faire entorse aux règles de base du débat scientifique, de fournir une réflexion critique, nuancée, enrichie d'une quantité impressionnante de sources. Voilà pour mon opinion: les spécialistes du domaines jugeront mieux que moi, je n'en ai aucun doute.
Cette somme présente une grosse partie sur la linguistique et fait comprendre -au dépens de la patience du lecteur- que "indo-européen" est bien un concept linguistique (comme certains ici l'avaient soulignés d'entrée de jeu)...
Suite à un historique de la recherche dans le domaine, l'auteur étend ses propos aux peuples et différentes langues IE. On sent déjà ici la complexité du sujet: une myriade de langues, dont on ne sait pas tout, certaines restées intraduisibles, d'autres au statut peu clair, des interactions, influences, mélanges en long en large, des groupes, des familles, des sous-familles etc. A en perdre son latin! ...Ou latino-falisque?
Je passe aussi sur les détails de la reconstruction de la langue IE.
Ce qui m'intéressait, évidemment, c'est tout ce qui avait trait à la culture, aux valeurs surtout. Toujours à partir de la langue (oui!), l'auteur développe de nombreux thèmes comme l'agriculture, les techniques, l'habitat, la famille (les parentés), les ethnonymes, la religion, les institutions (guerriers, royauté etc.), la trifonctionnalité, les mythes, les rites etc.
Comme points assez surprenant (pour moi, béotien d'entre tous), je note le chapitre sur l'
Le statut de la femme, des points ayant trait à l'anthropophagie, à certains rituels, à des sacrifices (description de Ibn Fadlân et autres) ne m'ont pas semblé être des valeurs et des coutumes auxquelles je puisse m'identifier. Pourtant, ne m'est pas venu à l'esprit une envie de condamnation, de rage etc. Il semble simplement que les IE aient été un peu comme beaucoup d'autres civilisations sur terre (Amérindiens par ex.).
La partie sur les ethnonymes est particulièrement amusante quoique tirant en longueur. Des peuplades se nommaient ainsi: "les forts", les "brillants", les "rusés", les "très belliqueux" (ces derniers viennent bien sûr de ma région natale... ce qui m'a valu quelques éclats de rire), les "terribles", ou autres noms d'animaux etc. Cela a un côté comique, très groupal, extraordinairement fier. Il semble que l'identité des groupes, des peuples était très forte.
Entre autres points étonnants, on découvre l'omniprésence de "substances intoxicantes" chez les IE (comme sur toute la planète il me semble), l'anthropophagie rituelle, l'élimination des vieillards, les jeux (jeux de balles déjà bien présents!;
le hockey aussi!), ainsi que la musique.
Restons sur ce dernier point, puisque ce sujet nous a enflammé;
je cite l'auteur:
L'auteur dit enfin:
De ce qui ressort de cette partie je retiens que
Après des chapitres entiers sur les institutions royales, guerrières, juridiques, l'auteur évoque bien entendu, dans la partie "Religion", la fameuse trifonctionnalité en expliquant que, plus que l'organisation sociale, il s'agit d'une vision du monde à part entière. Fort intéressant, mais cela va loin du sensationnalisme de certains autres indo-européanisants actuels. L'auteur a le mérite de se limiter aux faits, quitte à ce que ses propos soient concrets ou techniques, toujours pragmatiques, complètement avares de "sensationnel" (Ou, le "sensationnel" apparaît tout au plus par le dévoilement de la méconnaissance et des préjugés/représentations propre au lecteur, et non dans les propos de l'auteur).
Quoi qu'il en soit, je n'en ai pas tiré de valeurs très intéressantes. À vrai dire, de valeurs je n'en ai que peu croisées, et la plupart collent à l'environnement et au mode de vie de ces peuples, qui n'ont plus grand chose à voir avec les nôtres. Il s'en suit une impression ni de dégoût, ni d'idéalisation, mais d'étrangeté en face de ces peuples, qui sont pourtant nos ancêtres... Il est difficile de se faire une image très concrète et très précise de leurs valeurs, de leurs façon de penser. Quand on dispose de quelques éléments, cependant, on les sent étranger, on peine à les intégrer à notre référentiel socio-culturel, trop engoncé qu'on est dans notre façon de penser. J'ai l'impression d'un gouffre qu'on ne peut combler entre eux et nous, bien qu'on devine de mieux en mieux l'autre rive...
Vient enfin la partie sur "L'archéologie et les indo-européens". Cette partie est plus technique et difficile: plein d'éléments se surajoutent. Culture de ceci et de cela, type de céramique et autres détails techniques. On les comprend, mais la façon dont ils s'articulent n'est pas claire. Du reste l'auteur confirme l'impression que l'on a en lisant son livre: le sujet est trop complexe pour être compris entièrement par un seul cerveau (ou quelque chose du genre). Oui, le sujet est affreusement complexe!
L'auteur se permet la phrase suivante avec un signification étonnamment générale:
L'utilisation du terme "culture" me fait penser aux nuances que l'auteur fait entre le fait de parler une langue, d'appartenir à un certain peuple et à une certaine culture. J'en arrive à comprendre la langue et la culture IE comme suit: de la même façon que la culture anglo-saxonne est répandue dans des endroits différents, auprès de peuples et de cultures différentes, l'IE devait aussi recouvrir des cultures et des peuples différents.
Quant à la race, l'auteur s'applique à réfuter certaines idées qui y sont liées.
Plus tard, l'auteur continue:
Pour ceux que le concept de "race" intéresse, l'auteur cite les recherches effectuées sur des ossements d'indo-européens anciens par Roland Menk qui,
Selon Roland Menk
Et B. Sergent d'appuyer:
J'en retire que le concept linguistique d'"indo-européen" ne correspond pas à une "race", mais à un gros mélange de diverses "races" ou plutôt clusters.
L'auteur critique ensuite la politisation du sujet:
Dernier point intéressant, car il nous ramène à des questions identitaires, et plus uniquement "raciales":
L'auteur parle d'"ethnique": si je comprends bien il s'agit de l'autoethnonyme (le nom par lequel les tribus s'appelaient). Aux spécialistes de me corriger.
Des deux ethniques supposés, il y a
L'autre est le nom des
Après quelques citations, l'auteur explique Guyvonarc'h et Dumézil ont abandonné, même comme simple hypothèse, cette équation
Reste à savoir si socialement, culturellement ou idéologiquement, les Indo-Européens jouent un rôle comparable à celui qu'ont joué les Aryens il n'y a pas si longtemps.
Ce qui est intéressant c'est qu'il n'y a pas de reste clair d'autoethnonyme. On peut donc se demander si les peuples indo-européens, voire les peuples indo-européanisés, influencés par cette culture et cette langue, n'ont jamais eu d'autoethnonyme exprimant leur appartenance "indo-européenne". Cela soulève des doutes quant à l'existence d'une identité indo-européenne chez ces peuplades...
Pour terminer, j'aimerais souligner ce que dit l'auteur dans sa conclusion. Il aimerait
Dans ce propos, il me semble que le mot "interférence" est capital. Cela coupe court à toute représentation de notre culture comme provenant d'une seule culture ou influencée par une seule culture. Il y a chaque fois un mélange, des interférences. L'Europe n'est pas plus Indo-Européenne qu'elle n'est liée aux civilisations néolithiques déjà installées... De même, elle n'est pas plus chrétienne que païenne etc. Qu'on le veuille ou non, dans les faits, la culture est le fruit d'un mélange. C'est après que se construit une identité unitaire à partir d'un matériel hétérogène.
Ainsi, ma remarque principale sur l'utilisation (récupération?) du concept d'indo-européen par de nombreux groupes, organisations, est qu'il est vain de tordre les faits pour affirmer que nous sommes des indo-européens, culturellement ou 'racialement'. Il est plus honnête de simplement parler de construction d'une identité, de reconstruction, comme certains parlent non de paganisme, ni même de néopaganisme mais de "recopaganisme", c'est-à-dire d'un paganisme reconstruit. Voilà tout.
Les lignes précédentes sont mes opinions: l'auteur ne parle pas de ça.
Par contre, - et je terminerai par là cette fiche de lecture - B. Sergent n'y va pas de main morte dans l'introduction: désolé si ça dissuade certains de lire l'ouvrage, mais il faut être clair sur l'idée de l'auteur, et je ne pense pas que cela nuise à la scientificité de son travail.
p.12)
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